Anselme Belleguarrigue >>> texte à télécharger
(182O~25 - ??)
Bien qu'ignoré de la plupart des "historiens", Anselme Bellegarrigue est inséparable de l'histoire du mouvement anarchiste, ne serait-ce que pour avoir créé en 1850 "L'Anarchie, journal de l'ordre".
Bellegarrigue naquit probablement entre 1820 et 1825 dans le Sud-Ouest de la France.
Selon son ami Ulysse Pic (ou Pic du Gers, ou Pic Dugers), il fréquente quelque temps le lycée d'Auch (lycée où Lissagaray et un siècle plus tard Jean-Marc Rouillan passèrent leur baccalauréat).
Fin 1846 - début 1847, on le retrouve en Amérique du Nord où il visite New York, Boston, La Nouvelle-Orléans, poussant même jusqu'aux Antilles. De monarchiste qu'il était, Bellegarrigue se transforme, au fil des rencontres, en démocrate convaincu. (Sur cette période, on lira "Le baron de Camebrac, en tournée sur le Mississipi", paru en deux livraisons dans La liberté de penser, n0 43, juin 1851, et Revue de Paris, tome XX, 1er janvier 1854, ainsi que "Les femmes d'Amérique", dans son édition définitive imprimée par les soins de Blanchard Libraire-Editeur, Paris, 1853, 96 p.)
Février 1848: Bellegarrigue participe au renversement du pouvoir et fréquente le club Blanqui, ouvert, il est vrai, à tous les démocrates-socialistes (Charles Baudelaire en aurait fait lui-même partie).
Il fait le lendemain du renversement du pouvoir à un jeune ouvrier en armes, qui disait : "Cette fois, on ne nous la volera pas, notre victoire", cette réponse : "Ah ; mon ami, la victoire, on vous l’a déjà volée, n’avez-vous pas nommé un gouvernement".
Bellegarrigue fustigea violemment les partis, « vermines des nations », considérant qu’ils étaient responsables de la déviation autoritaire et centralisatrice de la révolution de 1848, qu’il ne nomme d’ailleurs pas ainsi car pour lui « une Révolution doit être la ruine non pas d’un gouvernement, mais du gouvernement » alors que « l’évolution de 1848 n’a été que la consolidation de ce qu’il s’agissait de détruire. »
Belleguarrigue exprima très clairement et avec force la notion clé de servitude volontaire :
« Vous avez cru jusqu’à ce jour qu’il y avait des tyrans ? Et bien ! vous vous êtes trompés, il n’y a que des esclaves : là où nul n’obéit, personne ne commande. »,
ainsi que celle de désobéissance civile :
« le démocrate n’est pas de ceux qui commandent, car il est celui qui désobéit. »
Puis, nulle trace de lui jusqu'à la parution à Toulouse d'" Au fait, au fait !!" Interprétation de l'idée démocratique, sans doute entre octobre et décembre 1848, bien que la Bibliographie de la France ne l'ait enregistré qu'à la date du 31 mars 1849.
Sur son audience, l'Almanach de la vile multitude, fin 1851, que rédigèrent, entre à autres "célébrités", Emile de Girardin, Proudhon, Louis Blanc et Félix Pyat, livre ces maigres renseignements :
Quelque temps après les journées de juin. 1848 parut à Toulouse une petite brochure, aujourd'hui très rare, dont nos lecteurs nous sauront gré de leur donner un extrait :
"Amant fougueux de la liberté, l'auteur arrivait d'Amérique où il était allé chercher, au fond de ce qui lui reste de forêts vierges, la vie libre et sans entraves. Il avait vécu, pour avoir ses coudées vraiment franches, un an entier dans une tribu sauvage que ni missionnaires ni coureurs de bois n'avaient pu encore atteindre dans les profondeurs de ce désert, et rentrant en France au bruit d'une révolution qui s'intitulait radicale, il se permettait de trouver mesquin le programme, je ne dis pas du gouvernement du jour, il ne fallait pas être difficile pour cela, mais de ceux qui se posaient en gouvernement de l'avenir."
"On trouvera dans la citation suivante des idées qui depuis ont fait leur chemin.
Il est toujours bon de consigner leur date d'apparition."
A Toulouse, Bellegarrigue participe à la rédaction d'un quotidien nouvellement créé, La Civilisation.
Un article paru le 11 juin 1849 lui vaut d'être poursuivi par le gouvernement.
Il bénéficie d'un non-lieu le 18 août.
De nouveau, pendant au moins six mois, il disparaît et cesse toute collaboration au journal.
En janvier 1850, il retrouve Ulysse Pic dans l'AntiConseiller avec lequel il fonde dans le même temps l'Association des Libres Penseurs à Mézy, près de Meulan.
Ensemble ou séparément, les deux amis écrivent et signent " Le dieu des riches et le dieu des pauvres" (22 p.) et "Jean Mouton et le percepteur" (22 p.).
À la suite, ils éditent un journal, La Voix du Peuple, pour lequel Bellegarrigue projetait d'écrire (n0 du 3 avril 1850) "L'anarchie, c'est l'ordre".
Mais ce numéro ne paraît pas, et Bellegarrigue abandonne ses compagnons pour immédiatement lancer, en solitaire, le journal L'Anarchie... Hélas les lecteurs font défaut et Bellegarrigue en interrompt après deux numéros la publication (signalons que le n° 3 aurait dû contenir une "Enquête sur l'origine de la richesse et du crédit").
Comme le note Max Nettlau, "à un moment ou l'autre" il quitte la France pour l'Amérique centrale. Est-ce avant ou après le coup d'Etat du 2 décembre, nul ne le sait, et l'impression de ses articles sur les Etats-Unis pourrait fort bien être le fait d'Ulysse Pic.
Le même d'ailleurs pense que Bellegarrigue aurait enseigné au Honduras et occupe un poste de ministre au San Salvador.
Néanmoins, selon son fils alors âgé de 40 ans qu'André Rault avait rencontré en Amérique , Bellegarrigue, après trois années passées au San Salvador, serait revenu "à l'état de nature"' vivant de sa pêche quelque part sur les côtes du Pacifique...