Pourquoi font-ils ces guerres ?
Michel Collon
Pourquoi font-ils ces guerres ? Laissons la parole au président Clinton, parlant devant des fonctionnaires US à Washington, le 23 mars 99, au moment où il s’apprête à déclencher les bombardements sur la Yougoslavie : "Si nous voulons des relations économiques solides, nous permettant de vendre dans le monde entier, il faut que l’Europe soit la clé… C’est de cela qu’il s’agit avec toute cette chose (sic)du Kosovo."
Bref, la guerre a pour but d’installer l’OTAN comme gendarme nécessaire pour la domination US sur le continent européen.
Un éditorialiste du New York Times le confirme au même moment : "Pour que la globalisation marche, l’Amérique ne doit pas craindre d’agir comme la superpuissance omnipotente qu’elle est. La main invisible du marché ne fonctionnera jamais sans un poing caché. McDonalds ne peut être prospère sans McDonnel Douglas, le constructeur de l’avion F-15. Et le poing caché qui garantit un monde sûr pour les technologies de la Silicon Valley, ce poing s’appelle armée des Etats-Unis, Air Force, Navy et Marines."
En fait, depuis la chute du Mur toutes les guerres US ont été au service de la " globalisation ". En réalité, pour le droit des multinationales de continuer à imposer leurs règles économiques et sociales injustes, le droit de ne pas payer les matières premières et de piller le tiers monde.
Et en premier lieu, le pétrole et le gaz. Qui contrôle les routes du pétrole, peut bloquer l’approvisionnement de ses rivaux (Europe, Japon…), les faire chanter et continuer à diriger le monde. Tel est l’objectif permanent de Washington. La guerre contre la Yougoslavie visait à renverser l’autogestion des travailleurs et à faire place nette pour les multinationales. Mais aussi à contrôler le stratégique " corridor énergétique n° 10 " qui passe par Belgrade. Résultat pour les travailleurs ? Le gouvernement que l’OTAN a imposé à Belgrade est celui du FMI. Le prix du pain est passé de 4 à 30 dinars, celui de l’électricité (privatisable) a été multiplié par quatre, la Banque Mondiale veut licencier 800.000 travailleurs et le droit de grève vient d’être interdit !
Le soutien à Ben Laden et aux talibans, puis le renversement de ceux-ci, visaient à permettre la construction en Afghanistan du gazoduc de la multinationale US Unocal destiné à desservir toute l’Asie du Sud. Le " président " afghan Karzaï est un employé d’Unocal et dix de ses ministres ont le passeport US. Résultat ? Le trafic de drogue a augmenté.
Le soutien au régime brutal et corrompu de la Colombie vise certes à garantir la mainmise US sur le stratégique canal de Panama, mais aussi à contrôler le pétrole colombien d’abord, vénézuélien ensuite en empêchant une alliance entre ces deux pays et l'Équateur. Ceux qui prétendent imposer la démocratie en Irak n’ont pas hésité à tenter un coup d'État contre le président élu du Venezuela, Chavès.
Le soutien US aux milices islamistes, notamment de Ben Laden, actives en Tchétchénie, et leur approvisionnement en armes vise à affaiblir la Russie et à la chasser des si lucratives routes du pétrole dans cette région.
Bref, partout, les multinationales pétrolières US cherchent à imposer des tracés de pipelines contrôlés par elles-mêmes : Afghanistan, Kurdistan, Caucase, Bulgarie – Macédoine – Albanie, et on en parle à présent aussi à propos de la Corée et de divers pays d’Afrique. Et dans chacune de ces régions, les États-Unis manoeuvrent pour installer leurs bases militaires. Partout donc, mais de façon clandestine, les États-Unis provoquent ou excitent des conflits en soutenant les pires racistes, les pires terroristes, les pires fanatiques. Ce qui nécessite des prétextes et des médiamensonges, que la gauche n’a pas toujours su démasquer.
Au Kosovo, par exemple, leurs protégés de l’UCK appliquent impunément leur programme annoncé : nettoyage ethnique chassant toutes les minorités (Serbes, Juifs, Roms, Turcs, Musulmans, Gorans…) et trafics maffieux (drogue, armes, prostitution). Sous les yeux et avec la bénédiction des Etats-Unis qui ont installé, à côté du futur pipe-line, l’énorme base militaire de Camp Bondsteel : des pistes pour bombardiers ( !), louées 99 ans et permettant d’atteindre le Moyen-Orient, le Caucase, Moscou. Et un jour l’Europe ?
Car la guerre pour l’or noir a aussi pour but de priver la France et l’Allemagne de leurs débouchés et approvisionnements en Irak, en Iran, etc. De même, la stratégie militariste et la course aux armements a pour but d’empêcher la création de l’Euro - Armée. Laquelle permettrait de mener les mêmes guerres que l’armée US, mais pour le compte des multinationales européennes.
Le militarisme et la multiplication des guerres ne tombent pas du ciel et ne sont pas dus à la personnalité de tel ou tel président. Ce sont les multinationales US qui ont décidé de favoriser l’élection de Bush le tricheur non élu. En fait, la cause des guerres, c’est l’aggravation de la crise économique. Inévitable dans ce système puisque le " meilleur patron ", applaudi par les Bourses, c’est celui qui annonce un plan de licenciement de dix mille ou quinze mille travailleurs de par le monde. Mais si vous licenciez et baissez les salaires autant que vous pouvez, à qui vendrez-vous ?
Cette absurdité sape la base économique d’un développement général et harmonieux. Cette contradiction incontournable impose une bataille accrue pour contrôler les régions et matières stratégiques, afin d’en priver les rivaux. Le monde est partagé comme un gâteau. Et comme il est partagé depuis longtemps, la seule manière pour une grande puissance d’améliorer sa situation est de rafler les morceaux échus à d’autres. Par la guerre.
Les guerres multiples que Bush annonce (Iran, Syrie, Corée, Colombie, Cuba etc…) ne sont que des chapitres d’une guerre globale. La recolonisation brutale de toute la planète, l’imposition d’une dictature encore plus étendue que celle dont rêvait Hitler. La proie décisive étant la Chine, avec son immense marché, son taux de croissance phénoménal. Avant de s’en prendre un jour à l’Europe ?
Mais soutenir l’Euro-Armée n’est pas la solution. Quand Chirac envoie l’armée française en Afrique pour soutenir les pires dictatures et favoriser Total ou Bouygues, il fait la même chose que Bush en plus petit. Et si Bush avait offert à TotalFina sa part du gâteau irakien, on n’aurait pas entendu Chirac.
C’est donc aux travailleurs et à leurs organisations de définir leur propre alternative : la solidarité de ceux d’en bas contre ceux d’en haut. " Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent ", écrivait Jean-Paul Sartre. L’urgence est donc la création d’un front international contre la guerre, pour le droit à l’autodétermination, c’est-à-dire le droit de chaque nation à choisir son destin, son système social, son mode de développement économique. Développer partout (entreprises, associations, quartiers et surtout écoles) des comités d’information, de débat et de mobilisation. Car l’humanité court un danger terrible.
Voilà. En s’excusant du caractère schématique du présent texte. En quelques lignes, il n’était pas possible d’argumenter et de prouver ces thèses par des faits concrets. A prendre donc, comme un appel pour lancer le débat au sein du mouvement ouvrier et progressiste.