Léo Ferré

L'OPPRESSION 

Ces mains bonnes à tout même à tenir des armes

Dans ces rues que les hommes ont tracées pour ton bien

Ces rivages perdus vers lesquels tu t'acharnes

Où tu veux aborder

Et pour t'en empêcher

Les mains de l'oppression

Regarde-la gémir sur la gueule des gens

Avec les yeux fardés d'horaires et de rêves

Regarde-la se taire aux gorges du printemps

Avec les mains trahies par la faim qui se lève

Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour

Et que l'on dit braqués sur les chiffres et la haine

Ces choses défendues vers lesquelles tu te traînes

Et qui seront à toi

Lorsque tu fermeras

Les yeux de l'oppression

Regarde-la pointer son sourire indécent

Sur la censure apprise et qui va à la messe

Regarde-la jouir dans ce jouet d'enfant

Et qui tue des fantômes en perdant ta jeunesse

Ces lois qui t'embarrassent au point de les nier

Dans les couloirs glacés de la nuit conseillère

Et l'Amour qui se lève à l'Université

Et qui t'envahira

Lorsque tu casseras

Les lois de l'oppression

Regarde-la flâner dans l'œil de tes copains

Sous le couvert joyeux de soleils fraternels

Regarde-la glisser peu à peu dans leurs mains

Qui formeront des poings

Dès qu'ils auront atteint

L'âge de l'oppression

Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour

Et que l'on dit braqués sur les chiffres et la haine

Ces choses défendues vers lesquelles tu te traînes

Et qui seront à toi

Lorsque tu fermeras

Les yeux de l'oppression

Paroles et musique : Léo Ferré

1972