PLAIDOYER DE SANTA CESARIO
Traduction tirée de Anarchism and what it stands for, d'Emma Goldman.
Après que le Président Carnot donna la peine de mort à Vaillant, ignorant toutes les lettres et pétitions des citoyens, l'inévitable arriva: Carnot fut tué. Écrit sur le poignard planté dans son dos: VAILLANT ! Le meurtrier resta sur place, attestant qu'il était bien le meurtrier. Voilà un acte anarchiste réel. Un anarchiste ne s'enfuit pas comme un lâche après avoir commis un crime, mais en est fier et l'explique comme il le faut. Cesario marqua beaucoup de gens par sa bravoure, son intelligence et son grand coeur. Voici son plaidoyer.
"Messieurs du juré! Je ne me ferai pas une défense, mais plutôt une explication de mon action.
"Depuis mon jeune âge, j'ai appris que la société présente est très mal organisée, si mal que chaque jour plusieurs malheureux se suicident, laissant femmes et enfants la détresse la plus terrible. Des ouvriers, par milliers, cherchent du travail et ne peuvent en trouver. Des familles pauvres quêtent pour de la nourriture et grelottent de froid; elles souffrent de la plus grande misère; les plus jeunes demandent de la nourriture à leurs pauvres mères, et celles-ci ne peuvent leur en donner, parce qu'elles n'ont rien. Les seules choses que la maison contenait on déjà été vendues ou échangées. Tout ce qu'elles peuvent faire est demander l'aumône; souvent elles sont arrêtées pour vagabondage.
"Je suis parti de ma terre natale parce que j'en venais souvent aux larmes en voyant des petites filles de huit ou dix ans obligées de travailler 15 heures par jour pour une misérable paye de 20 centimes. Des jeunes femmes de 18 ou 20 ans travaillent aussi 20 heures par jour pour une rémunération de railleries. Et cela n'arrive pas seulement à mes compatriotes, mais à tout les ouvriers, qui se prennent une suée à longueur de journée pour un morceau de pain, alors que leur labeur apporte l'argent en abondance. Les ouvriers sont forcés de vivre dans les conditions le plus misérables, et leur nourriture consiste en un peu de pain, quelques cuillerées de riz, et de l'eau; donc lorsqu'ils atteignent l'âge de 30 ou 40 ans, ils sont morts de fatigue et vont mourir dans les hôpitaux. En outre, en conséquence d'une mauvaise alimentation et du surmenage, ces tristes créatures sont, par centaine, dévorés par la pellagra - une maladie qui, dans mon pays, attaque, comme les docteurs disent, ceux qui sont mal nourris et qui mènentune vie pénible et de privation. "J'ai remarqué qu'il y plusieurs personnes qui ont faim, et plusieurs enfants qui souffrent, tandis que le pain et les vêtements abondent dans les villes. J'ai vu plusieurs grandes industries pleines de vêtements et de produits de laine, et j'ai aussi vu des entrepôts pleins de blé et de maïs, qui conviendraient à ceux qui en ont besoin. Et, d'un autre point de vue, j'ai vu des milliers de gens qui ne travaillent pas, qui ne produisent rien et qui vivent grâce à la labeur des autres; qui chaque jour dépensent des milliers de francs pour se divertir; qui corrompent les filles des ouvriers; qui possèdent des logements de quarante ou cinquante pièces; vingt ou trente chevaux, plusieurs serviteurs; en un mot, tout les plaisirs de la vie. (sic)
"Je crois en Dieu; mais quand je vois une telle inégalité entre les hommes, je reconnais que ce n'est pas Dieu qui a créé l'homme, mais l'homme qui a créé Dieu. Et j'ai découvert que ceux qui veulent leur propriété respectée, ont intérêt de prêcher l'existence du paradis et de l'enfer, et de garder le peuple dans l'ignorance.
"Il y a peu de temps, Vaillant lança une bombe dans la Chambre des Députés, pour protester contre l'actuel système de la société. Il n'a tué personne seulement blessé quelques personnes; mais la justice bourgeoise l'a condamné à mort. Et non satisfaite de la condamnation de l'homme coupable, elle a poursuivi les Anarchistes, et arrêta, non seulement ceux qui connaissaient Vaillant, mais même ceux qui ont été présent à une lecture Anarchiste.
"Le gouvernement ne pensa pas à leur femme et enfants. Il n'a pas considéré que l'homme détenu en cellule n'était pas le seul à souffrir, que ses petits réclamaient du pain. La justice bourgeoise ne s'est pas troublée à propos de ces innocents, qui ne savent même pas ce que la société est. Ce n'est pas de leur faute si leurs pères sont en prison; ils veulent seulement se nourrir.
"Le gouvernement en vient à fouilles les domiciles privés, à ouvrir des lettres personnelles, à interdire les lecture et les rencontres, et à pratiquer l'oppression la plus infâme contre nous. Même aujourd'hui, des centaines d'Anarchistes sont arrêtés pour avoir écrit un article dans un journal ou pour avoir exprimé une opinion en publique.
"Messieurs du Juré, vous êtes les représentants de la société bourgeoise. Si vous voulez ma tête, prenez-la; mais ne croyez pas qu'en faisait cela vous arrêterez le mouvement anarchiste. Faites attention, l'homme récolte ce qu'il a semé".