Le Brésil anarchiste à la fin du XIXè siècle :
La Cecilia une communauté agricole libertaire
Les écoles anarchistes au Brésil
La Cecilia, histoire d'une communauté anarchiste et de son fondateur Giovanni Rossi.
Entre 1890 et 1894, s'est déroulée l'expérience la plus connue de la jeune histoire du mouvement libertaire : la construction, la vie d'une communauté anarchiste et enfin son déclin quelque part au Brésil dans l'État de Parana.
Connue sous le nom de la Cecilia, elle doit avant tout son existence à la ténacité de son fondateur : Giovanni Rossi.
Ce scientifique italien, militant des idées libertaires dans l'A.I.T., fit la grande affaire de sa vie de cette tentative in vivo, d'appliquer sur le terrain la pertinence des idées révolutionnaires, de prendre appui sur des faits réels et de préparer des données expérimentales d'économie publique et privée, de moralité sociale, etc. et enfin de constituer des centres de travail et de résistance pour les batailles économiques des classes ouvrières organisées qui militent pour la rédemption (sic) du prolétariat.
Suivant en cela les grandes vagues d'émigration vers le Brésil, c'est vers Porto Alegre que vont se diriger les premiers pionniers en l'attente de familles, toutes volontaires. On se doute que l'entreprise sera extrêmement difficile, mais malgré l'adversité aussi bien de nombreux militants italiens, Malatesta et d'autres reprocheront à Rossi de vouloir priver le mouvement social italien de nombreux militants révolutionnaires, les finances précaires et les compétences pas forcément adaptées au défrichage et à l'agriculture le projet va commencer de tenir la route.
Un quotidien difficile
Mais on ne construit une société humaine qu'avec des hommes. Nul ne pouvant reprocher à un Être humain d'être un Être humain, beaucoup de colons n'étaient pas adaptés à la vie des pionniers ; c'étaient pour la plupart des ouvriers de l'industrie qui, naturellement, ne trouvèrent pas à la colonie les instruments et les matières nécessaires pour travailler avec profit ; certains n'étaient pas habitués à avoir une activité moyenne.
L'histoire ne dit évidemment pas ce qu'entend Rossi par activité moyenne, mais parions qu'à l'époque du Droit à la Paresse, la colonie était loin d'être un pays de cocagne. Mais qu'importe, un monde nouveau est à bâtir. Avec l'aide d'une manière de Bureau d'Émigration, l'État brésilien va aider cette tentative en fournissant des terres et cette communauté va ainsi pouvoir se développer.
Aux premières difficultés financières les hommes iront construire des routes afin d'aider à la construction de la Cecilia. Et jusqu'en 1893, ce sont près de trois cents personnes qui passeront. Rossi observera avec sa rigueur de scientifique le développement de cette tentative pour le moins originale. Poussant l'expérience jusqu'au bout, il développera les théories de l'amour libre. L'un des habitants écrira : Ce qui nous tourmente le plus c'est que libre amour n'a pas encore pénétré dans le cœur de nos compagnes, ce qui produit beaucoup d'ennuis à ceux qui sont seuls, et malgré cela personne n'a manqué de respect aux femmes. Nous serions bien aise que quelques femmes convaincues viennent nous rejoindre bientôt.
Ça casse l'ambiance ! Très rapidement, les rapports vont se tendre et la situation sociale du Brésil aidant, la colonie va se dissoudre en 1893. Les terres seront revendues à quelques familles.
Une expérience enrichissante
Au-delà de l'échec de cette nouveauté, nous ne pouvons pas parler de naïveté, même si certaines situations vécues pourraient nous le permettent. On peut simplement se demander si cette tentative d'adapter l'homme aux idées anarchistes n'aurait pas été plus profitable en procédant de manière inverse, c'est à dire de modeler les idées anarchistes aux individus ou aux groupes sociaux. Cette vaine tentative reflète malgré tout la pertinence de nos idées, car tout ne fut pas négatif et l'échec ne tient pas aux idées libertaires mais peut-être au fait qu'elles furent mal appliquées ou mal digérées. Ce maudit communisme anarchiste qui n'a pas fini de nous séduire va bien finir par vivre.
La Cecilia restera avant tout une belle histoire de notre Histoire. Embellie par le temps et mise en scène au cinéma par Jean-Louis Comolli en 1976 (il ne subsiste plus de copie en bon état ou complète) elle tient plus à la légende qu'à la peine qu'on du subir ces bâtisseurs d'utopie.
Livre bien nécessaire que celui-là…
Jean-Pierre Gault
le Monde Libertaire
Photo du film de Jean-Louis Comolli.
Le 20 février 1890, à bord du navire Città di Genova, un petit groupe de pionniers quittait Gênes en direction du Brésil, pour y fonder une colonie socialiste expérimentale. Etaient-ils des déserteurs ?
Cette accusation, dont furent épargnés les milliers de socialistes qui abandonnèrent l'Europe pour leurs intérêts particuliers, fut en revanche lancée par beaucoup de gens contre ces premiers expérimentateurs et contre ceux qui par la suite, les suivirent.
Ils n'appartenaient à aucune armée, car jamais ils ne reconnurent ni chefs ni discipline et pourtant on dit d'eux qu'ils désertèrent !
Les circonstances, plus que leur volonté, les conduisirent sur le territoire de la commune de Palmeira dans l'Etat de Parana du Brésil.
Le terrain qu'ils occupèrent, absolument inculte et désert, était une prairie encerclée de bois, sur les collines à pente douce, mais à un niveau très élevé au-dessus du niveau de la mer ; sous cette latitude, le climat est doux et salubre.
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Les colonies agricoles socialistes, si elles sont organisées dans une perspective moderne et sincèrement expérimentale, seront de solides pôles d'orientation sociale et politique. Les Hommes forgés dans la vie socialiste de ces colonies seront les ferments qui feront lever la pâte de la révolution.
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D'une part :
Certains désirent que l'individu consomme autant qu'il produit et ce dans le but de maintenir quelque stimulant à la production. Ils admettent donc l'échange des valeurs entre l'individu et la collectivité. D'autres préfèrent que chacun soit en droit de consommer en proportion de ses propres besoins et en proportion des ressources sociales. Nous considérons que l'augmentation de la production en système collectiviste sera tel qu'il n'y aura pas à craindre l'appauvrissement social par la distribution gratuite de tous les produits de l'activité humaine.
D'autre part, pour manger, il faut déposer (à l'entrée du réfectoire) une contre-marque que les chefs d'équipe ont distribuée à tous les ouvriers, à toutes les ouvrières présents au travail de la journée.
Et qui n'a pas voulu travailler en arrière !
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Extraits d'une brochure rédigée par Giovanni Rossi sur la Cecilia.
" Gardons-nous bien de croire que l'absence d'organisation soit une garantie de liberté" extrait du film la Céciclia.
Ecoles anarchistes au Brésil (1889-1920)
Au début du siècle, au Brésil, les anarchistes étaient immergés, corps et âme, dans le mouvement ouvrier. Dans ses luttes comme dans ses aspirations. De ce fait, on les retrouvaient bien évidemment dans toutes les bagarres syndicales, mais aussi sur le front de la mise en actes d'alternatives de tous ordres du type coopératives ouvrières de production, de consommation, universités populaires et écoles.
Au début du siècle, au Brésil, les anarchistes, parce qu'ils attachaient une importance extrême à l'éducation et parce qu'ils se méfiaient comme de la peste de la mainmise des curés et de l'État sur l'enseignement, créèrent au moins une dizaine d'écoles. Comme ils étaient pauvres et connaissaient le prix de la liberté, ils se les financèrent par l'entraide, en raclant leurs pauvres poches. Et ils y mirent en œuvre leurs foutues idées de liberté et d'égalité. Regina Jomini-Mazoni nous conte cette aventure politique et éducative. Et c'est absolument passionnant. À l'heure où certains libertaires en sont à s'interroger sur le bien fondé de l'ouverture d'un front anarchiste dans le champ de bataille actuel de l'éducation et où, d'autres, confondant services publics et services sociaux, pataugent dans le soutien, même pas critique, à l'école de l'État, il est assurément certains livres, dont celui-là, dont il convient d'encourager la lecture.
Un grand merci donc, à l'autrice de ce bouquin pour son travail sur une mémoire dont on ne maudira jamais assez la volatilité et aux camarades d'ACL et de Noir pour nous en faire profiter.
Jean-Marc Raynaud