Karl Marx / Michel Bakounine et la Commune de Paris
Textes, déclarations et lettres 1870 - 1872
Michel Bakounine :
Je suis un partisan de la Commune de Paris qui, pour avoir été massacrée, étouffée dans le sang par les bourreaux de la réaction monarchique et cléricale, n'en est devenue que plus vivace, plus puissante dans l'imagination et dans le cœur du prolétariat de l'Europe ; j'en suis le partisan surtout parce qu'elle a été la négation audacieuse, bien prononcée de l'Etat.
C'est un fait immense que cette négation de l'Etat se soit manifestée précisément en France, qui a été jusqu'ici par excellence le pays de la centralisation politique et que se soit Paris, la tête et le créateur historique de cette civilisation française qui en ait pris l'initiative...
La Commune de Paris a duré trop peu de temps et elle a été empêchée dans son développement intérieur par la lutte mortelle qu'elle a dû soutenir contre la réaction de Versailles, pour qu'elle ait pu, je ne dis pas même appliquer, mais élaborer théoriquement son programme socialiste. D'ailleurs, il faut le reconnaître, la majorité des membres de la Commune n'étaient pas proprement socialistes et s'ils se sont montrés tels, c'est qu'ils ont été invinciblement poussés par la force irrésistible des choses, par la nature de leur milieu, par les nécessités de leur position et non par leur convictions intimes. Les socialistes, à la tête desquels se place naturellement notre ami Varlin, ne formaient qu'une très infime minorité ; ils n'étaient tout au plus que quatorze ou quinze membres. Le reste était composés de Jacobins... Ces jacobins magnanimes, à la tête desquels se place Delescluze, une grande âme et un grand caractère, veulent le triomphe de la Révolution avant tout ; et comme il n'y a point de révolution sans masses populaires et comme ses masses ont éminemment aujourd'hui l'instinct socialiste, les jacobins de bonne foi se laissant entraîner toujours davantage par la logique du mouvement révolutionnaire finiront par devenir des socialistes malgré eux.
Telle fut précisément la situation des jacobins qui firent partie de la Commune.
Delecluze et bien d'autres avec lui signèrent des programmes et des proclamations dont l'esprit général et les promesses étaient positivement socialistes. Mais comme malgré toute leur bonne volonté, ils étaient des socialistes bien plus entraînés extérieurement qu'intérieurement convaincus, ils ne purent jamais sortir des généralisés, ni prendre une de ces mesures décisives qui rompraient à jamais leur solidarité et tous leurs rapports avec le monde bourgeois. Ce fut un grand malheur pour la Commune et pour eux ; ils en furent paralysés et ils paralysèrent la Commune ; mais on ne peut pas le leur reprocher comme une faute. Les hommes ne se transforment pas d'un jour à l'autre et ne changent ni de nature ni d'habitude à volonté. Ils ont prouvé leur sincérité en se faisant tuer pour le Commune. Qui osera leur demander davantage ?
La situation du petit nombre de socialistes convaincus qui ont fait partie de la Commune de Paris était excessivement difficile. Ne se sentant pas suffisamment soutenus par la grande masse de la population parisienne, l'organisation de l'Association Internationale des Travailleurs (AIT), très imparfaite elle-même, d'ailleurs, n'embrasant à peine que quelques milliers d'individus, ils ont du soutenir une lutte journalière contre la majorité jacobine. Et au milieu de quelles circonstances encore ! Il leur a fallu donner du pain et du travail à quelques centaines de milliers d'ouvriers, les organiser, les armer et surveiller en même temps les menées réactionnaires... Je sais que beaucoup de socialistes, très conséquents dans leur théorie, reprochent à nos amis de Paris de ne s'être pas montrés suffisamment socialiste dans leur pratique révolutionnaire... Je ferais observer aux théoriciens sévères de l'émancipation du prolétariat qu'ils sont injustes envers nos frères de Paris ; car entre les théories les plus justes et leur mise en pratique, il y a une immense distance qu'on ne franchit pas en quelques jours.
Quiconque a eu le bonheur de connaître Varlin, sait combien, en lui et en ses amis, les convictions socialistes ont été passionnées, réfléchies et profondes. C'étaient des hommes dont le zèle ardent, dévouement et la bonne foi n'ont jamais pu être mis en doute par aucun de ceux qui les ont approchés. Mais précisément parce qu'ils étaient des hommes de bonne foi, ils étaient plein de défiance en eux-mêmes en présence de l'œuvre immense à la quelle ils avaient voué leur pensée et leur vie. Ils se comptaient pour si peu ! Ils avaient d'ailleurs cette conviction, que dans la révolution sociale, diamétralement opposée, dans ceci comme dans tout le reste, à la révolution politique, l'action des individus étaient presque nulle et l'action spontanée des masses devant être tout. Tout ce que les individus peuvent faire c'est de proposer d'éclairer et d'élaborer les idées correspondant à l'instinct populaire et de plus, c'est de contribuer par leurs efforts incessants à l'organisation révolutionnaire de la puissance naturelle des masses mais rien au-delà ; et tout le reste ne doit et ne peut se faire que par le peuple lui-même. Autrement on aboutira à la dictature politique, c'est à dire à la reconstitution de l'Etat, des privilèges, des inégalités, de toutes les oppressions de l'Etat...
Contrairement à cette pensée des communistes autoritaires, selon moi tout à fait erronée, qu'une révolution sociale peut-être décrétée, soit par une dictature, soit par une assemblée constituante issue d'une révolution politique, nos amis socialistes de Paris ont pensé qu'elle ne pouvait être faite ni amenée à son plein développement que par l'action spontanée et continue des masses, des groupes et des associations populaires.
Nos amis de Paris ont eu parfaitement raison !
Michel Bakounine
L'album photo de la Commune
Karl Marx
lettre à Engels (20 juillet 1870)
Les français ont besoin d'être rossés. Si les prussiens sont victorieux, la centralisation du pouvoir d'Etat sera utile à la centralisation de la classe ouvrière allemande. La prépondérance allemande transférerait, en outre, de France en Allemagne, le centre de gravité du mouvement ouvrier européen et il suffit de comparer le mouvement de 1866 à aujourd'hui dans les deux pays pour voir que la classe ouvrière allemande est supérieure à la classe française sur le plan de la théorie et de l'organisation. La prépondérance, sur le théâtre du monde, de la classe ouvrière allemande sur la française, signifierait du même coupla prépondérance de notre théorie sur celle de Proudhon.
Karl Marx
lettre à Engels (6 septembre 1870)
Aujourd'hui toute la french-branch lève le camp pour Paris pour y commettre des sottises au nom de l'Internationale. Ils veulent renverser le gouvernement provisoire, établir la commune de Paris, nommer Pyat ambassadeur de France à Londres,...
Karl Marx
lettre à Engels (septembre 1870)
" les ouvriers français doivent accomplir leur devoir de citoyens, mais ils ne doivent pas se laisser entraîner par les souvenirs de 1792. Qu'ils profitent de la liberté républicaine pour procéder à leur propre organisation. De leur énergie et de leur sagesse dépend le sort de la république "... " Abstention de l'internationale en France jusqu'à ce que la paix soit faite ".
Karl Marx
lettre à Engels (12 avril 1871)
Première erreur : il eut fallu marché tout de suite sur Versailles, une fois que Vinoy d'abord puis la fraction réactionnaire de la garde nationale. Deuxième erreur : le comité central résilia ses pouvoirs trop tôt, pour faire place à la Commune. Encore par un souci excessif d'honnêteté ! "
Karl Marx
Les affiches de la Commune