Eugène Pottier

L'internationale

Au citoyen Gustave LEFRANÇAIS, membre de la Commune.

 

 

C'est la lutte finale

Groupons-nous, et demain,

L'Internationale

Sera le genre humain.

Debout ! les damnés de la terre !

Debout ! les forçats de la faim !

La raison tonne en son cratère,

C'est l'éruption de la fin.

Du passé faisons table rase,

Foule esclave, debout ! debout !

Le monde va changer de base

Nous ne sommes rien, soyons tout !

Il n'est pas de sauveurs suprêmes

Ni Dieu, ni César, ni tribun,

Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes !

Décrétons le salut commun !

Pour que le voleur rende gorge,

Pour tirer l'esprit du cachot,

Soufflons nous-même notre forge,

Battons le fer quand il est chaud !

L'État comprime et la loi triche;

L'Impôt saigne le malheureux;

Nul devoir ne s'impose au riche;

Le droit du pauvre est un mot creux.

C'est assez languir en tutelle,

L'Égalité veut d'autres lois;

" Pas de droits sans devoirs, dit-elle,

Égaux, pas de devoirs sans droits ! "

Hideux dans leur apothéose,

Les rois de la mine et du rail

Ont-ils jamais fait autre chose

Que dévaliser le travail.

Dans les coffres-forts de la bande

Ce qu'il a créé s'est fondu.

En décrétant qu'on le lui rende

Le peuple ne veut que son dû.

Les rois nous soûlaient de fumées,

Paix entre nous, guerre aux tyrans !

Appliquons la grève aux armées,

Crosse en l'air et rompons les rangs !

S'ils s'obstinent, ces cannibales,

A faire de nous des héros,

Ils sauront bientôt que nos balles

Sont pour nos propres généraux.

Ouvriers, paysans, nous sommes

Le grand parti des travailleurs;

La terre n'appartient qu'aux hommes,

L'oisif ira loger ailleurs.

Combien de nos chairs se repaissent !

Mais, si les corbeaux, les vautours,

Un de ces matins, disparaissent,

Le soleil brillera toujours !

C'est la lutte finale

Groupons-nous, et demain,

L'Internationale

Sera le genre humain.

 Paris, juin 1871