Jean-Marc Rouillan (coordonnées par)
LES VERITABLES CHRONIQUES
DES PROLETAIRES PRECAIRES
Chronique n°1 Les éliminatoriumde la République Chronique n°2 Le pays des prisons, le zéro et les choses Chronique n°3 Prenons de l'altitude Chronique n°4 Demande d'emploi : Cherche patron philanthrope... Chronique n°5 Comment payer le travail carcéral ? Chronique n°6 La génération perdue... Chronique n°7 Ce que nous sommes
Chronique n°1
Les éliminatoriumde la République
Benoît a été libéré lundi de Pentecôte au matin.
Avant de nous quitter, il fit le traditionnel périple d'adieu. Il passa aux cellules du rez--de-chaussée puis, chez nous, au premier. Un encouragement pour ceux qui restent. Un salut pour celui qui part.
L'exceptionnel d'une libération un jour férié avait sauté aux yeux de certains d'entre nous. C'était bizarre. Il aurait pu le libérer le samedi précédent ou le lendemain, mardi. En prison, si on ne sait pas, Eux savent et ils ne font rien au hasard.
Benoît n'avait pas fait trois pas dehors que la mort le rattrapa. Le dimanche suivant, il était déjà trépassé.
Les médecins avaient-ils prévenu que ce n'était plus qu'une affaire d'heures? L'administration avait-elle peur qu'il meure en cellule avec tous les risques que cela représente pour la tranquillité de la prison ?
Voilà pourquoi on pouvait percevoir dans cette libération le malaise d'une précipitation. De la panique même après des mois d'attente inutile.
En effet, nous le savions malade. Très malade depuis longtemps.
A l'annonce de sa rechute, l'année dernière, et de l'inéluctable pronostic, nous nous étions mobilisés. Durant plusieurs heures, nous avions bloqué tous les mouvement de la prison en occupant le rond point central. Nous avions exigé la libération immédiate des détenus malades et celle de Benoît en particulier.
Les officiels étaient venus, le procureur, les flics, les directeurs... Bien sûr, ils nous firent quelques promesses pour apaiser l'incendie. Mais ce n'était que des engagements de tartuffes.
Pire car il firent payer à Benoît le prix de cette mobilisation. Lors de l'examen de sa demande de libération conditionnelle, dans les attendus du refus, il lui fut reproché d'être l'un des meneurs du mouvement.
Par la suite, l'administration et le JAP n'ont eu de cesse de lui asséner le chantage : sa demande serait réexaminée en échange de son silence sur sa situation médicale. Les mois ont passé et le chantage a parfaitement fonctionné. Il s'est conclu par la libération de Benoît cinq jours avant sa mort.
Depuis janvier 2002, dans cet établissement de deux cents prisonniers seulement, trois détenus sont morts de longues maladies.
Il faut souligner que deux d'entre eux entraient dans les critères pour une libération conditionnelle et cela depuis des mois, voire des années. Mais le juge et le procureur de l'application des peines du tribunal de Tarascon en ont choisi autrement, ils ont préféré les laisser crever derrière les barreaux, jusqu'au bout de la peine, jusqu'aux dernières heures.
Benoît ne sortait pratiquement plus de cellule sauf pour les deux séances hebdomadaires de chimiothérapie. Il ne pouvait plus travailler. D'ailleurs ceci lui valut cette réflexion d'une JAP : «Enfin, Monsieur B., vous ne profiteriez pas de votre état de santé ?»
Désormais, le nom de Benoît s'ajoute à la longue liste des détenus morts à la Centrale d'Arles depuis son ouverture. Les centrales de sécurité sont de véritables éliminatorium, et si elles sont très administrativement dénommées «établissements à effectif limité», il faudrait adjoindre «et de mort à foison».
Un maton éducateur rappelait fort justement qu'on meurt en prison comme à l'extérieur on meurt aussi, mais ce que nous dénonçons c'est l'acharnement d'une application des peine qui tend à enfermer les malades jusqu'à la dernière limite. Jusqu'au dernier souffle de vie.
Pour Eddie, sidéen, ils ont attendu qu'il soit impotent pour le traîner sur un fauteuil jusqu'à l'ambulance. Il est décédé quelques heures plus tard. Pour Yvon, victime d'une crise cardiaque, ils ont attendu qu'il perde connaissance pour le transporter aux soins intensifs. Benoît, Eddie et Yvon avaient-il été condamnés à la prison jusqu'à ce que mort s'en suive. Non ! Alors pourquoi cet acharnement ?
Les juges, le procureur et l'administration semblent enrager de devoir les libérer comme si mourants, ces malheureux les narguaient en leur échappant... Sous le couvert des règlements et des jurisprudences, ces sinistres personnages s'arrogent droit de vie et de mort sur une partie de la population abandonnée et emprisonnée.
L'un des scandales de cette situation en est sa banalisation et le silence complice qui lui permet de se perpétuer.
Quelques soient les crimes pour lesquels nous, prisonniers, sommes enfermés ici, si nous considérons le traitement qu'ils font subir aux mourant et au-delà aux malades incurables, nous prenons conscience que les véritables criminels sont le système et ses infâmes zélateurs.
Les pires des criminels !
Mais qui aujourd'hui se préoccupe des conditions de vie et de mort de quelques misérables ?
Arles 4.6.02
Sans révolution, pas de hic
Nous crèverons Rue Copernic.
Chronique n°2
Le pays des prisons, le zéro et les choses.
Après les élections du printemps, certains observateurs évoquèrent une vague d'un bleu marine qui submergea l'hexagonale torpeur. Et ce cheval d'écume courut comme la marée engloutit le paysage à son passage. Vous qu'on ne calcule déjà plus qu'en tant que somme nulle - les gens, l'opinion publique, les sondés, les inscrits et les votants- vous n'y voyez rien de grave ou si peu de chose en somme, une simple alternance indolore.
Mais, en prison, depuis tant de décennies, nous connaissons cette tyrannie unicolore.
Nous survivons au jour le jour sous la botte bleue et nous voudrions aujourd'hui formuler quelques réflexions puisqu'on nous en donne l'occasion.
A la Centrale d'Arles, notre existence n'est sûrement pas la même que la vôtre. Pourtant nous sommes si proches les uns des autres, peut être deux ou trois kilomètres ? Mais nous, nous sommes du pays au-delà des longs murs gris au nord de la ville, dans la zone industrielle entre la décharge et la déchetterie. De votre ville, nous ne connaissons rien ou pas grand chose. Nous n'apercevons jamais que le ciel. Un bleu uniforme, où que l'on se tourne toujours, nous sommes sous 180° d'azur à peine traversé d'oiseaux et d'aéronefs.
Finalement nous ne sommes plus vos concitoyens, nous sommes des étrangers, d'ailleurs certains d'entre vous n'hésitent pas à nous dépeindre en barbares. Mais de cet ailleurs forcé peut-être discernons-nous des choses que vous qui vous laissez ballotter au ronronnement banal du quotidien sous influence, ne voyez pas encore
Tout d'abord, nous voudrions vous rappeler, on ne le rappelle jamais assez dans votre pays qui a instauré l'amnésie en valeur suprême de l'ambition politicienne, que dans les livres, quand ils évoquent la vague vert de gris des doryphores, ils oublient de se souvenir que la milice de Vichy avait également choisi le bleu marine.
De tout temps, dans ce pays, l'uniforme de la réaction est avant tout un costume civil et moral, celui du parti de l'ordre contre l'ennemi intérieur, celui qui refuse de marcher au pas, de scander les slogans, de saluer les valeurs des maîtres de l'heure... Et le refuznik qui rejette les modes et les logiques sécuritaires de la guerre civile, doit être proscrit dans le
pays satellite de la pénitence pour y être redressé ou éliminé...
Et aujourd'hui l'heure est à la tolérance zéro et à l'impunité zéro, mais aussi au risque zéro et à l'insécurité zéro... Cette négation sociale répond au caractère dominant de la production néolibérale du zéro défaut. Dans l'entreprise, le contrôle de la qualité totale est le premier des ordres nouveaux où chaque travailleur surveille l'autre pour qu'il soit à la norme et dans la cadence. Il faut individualiser et intérioriser le flic, le «petit chef» et vomir des consignes instruites dans les officines de l'ergonomie flexible triomphante. Chaque sujet doit courber l'échine et devenir souple jusqu'à en devenir interchangeable et renouvelable à qualité égale, presque nulle.
L'obsession du Zéro reflète l'attraction du néant et de l'infini.
Quand on parle de zéro, on finit par se souvenir de nos jeux dans les cours de récréation. «Zéro plus Zéro égale la tête à Toto».
Mais aujourd'hui Toto il n'est plus tout à fait humain. Il lui reste à peine l'enveloppe. Toto est presque absent jusqu'à l'oubli de sa condition d'exploitation. Il est nié et plus il croit qu'il jouit de son libre arbitre plus il se résume à ce rien aliéné. Les mots de Marx prennent alors tout leur sens, la libération de l'exploitation et de l'oppression est bien la négation de la négation.
L'homme reprend son indépendance en niant le projet du néant. Mais c'est une autre histoire...
Ici au pays pénitentiaire, depuis belle lurette, le patriotisme des donneurs de coups de triques a déjà banni du tricolore le rouge. Pas seulement la couleur de la libération, la couleur de certains prisonniers révolutionnaires, mais le rouge jusqu'au sang lui-même. S'il coule malgré tout c'est en cachette. Dans cette contrée, la mort est lente. Banale. Le crime doit se draper de naturel comme si l'assassinat était dans l'ordre des choses, qu'il se prescrivait sous ordonnance judiciaire comme un médicament frelaté.
Ils ont également banni le blanc. Pour eux, personne n'est innocent. Tout prisonnier est justement châtié, c'est le droit canon de la punition. Et les coléoptères fonctionnaires entrent en guerre civile. Ils se mobilisent et se protègent dans l'inflation des mesures sécuritaires. Des caméras, des portes blindées, des sas, des fils barbelés à foison, ils sont même prêt à faire feu pour un oui ou pour un non. Et impossible de brandir le drapeau blanc. Impossible de dire «Stop!». Savez-vous que dans ce pays pénitentiaire, un surveillant peut tuer quelqu'un d'une balle dans le dos sans que jamais
un juge ose lever le petit doigt. Ça s'est produit à Cayenne il a quelques mois de cela. Qui s'en souvient encore ? Pour être plus clair et comme notre temps est compté, prenons un fait révélateur, un seul exemple de l'époque qui s'ouvre.
La vague bleue marine nous apporte un sous-ministre des prisons. Un ministre au rabais en quelque sorte ! Le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la Justice. Que la sémantique est précieuse pour ne pas appeler un chat un chat, et un ministre des prisons un ministre des prisons. Mais derrière le nom se cache à peine l'intention et la philosophie de sa mission. Qu'importe finalement que, dans les cités de Mantes-la-pourrie, le sieur Bédier ait concurrencé les Lepénistes par une surenchère sécuritaire. La cause est entendue, pour les «bleu-marine» tout repose sur l'immobilier, c'est-à-dire les murs, les miradors, les grilles... Et par défaut nous, les prisonniers, nous apparaissons comme étant le mobilier, nous au même titre que les chaises et les tables quand elles peuvent encore bouger. Les lits sont scellés ! Et par les temps qui courent, tous les mobiliers ont tendance à se clouer sur place. D'un côté, les peines augmentent et de l'autre, ils referment les portes, réduisent les activités, les heures de socialité. Dans notre 9 m2, nous circulons seulement de la fenêtre à la porte... Hier nous étions des numéros, nous voici renvoyés à l'état d'objet.
Il n'y a eu qu'un prédécesseur à la fonction de Ministre des prisons. En 1975, après un été multicolore d'incendies et de révoltes, Giscard désigna en hâte une secrétaire à la Condition Pénitentiaire. Et toute la différence est dans son titre. La condition marque malgré tout l'humanité du prisonnier. Aujourd'hui l'immobilier sanctifie la chosification ultime, la
soumission des objets. Finit le temps des beaux projets, des lois pénitentiaires, de la citoyenneté des détenus et des rapports parlementaires sur " l'humiliation de la République ", le sens donné à la réforme est bien celui de l'emballage réactionnaire. Et voici le ministre du rangement et des clapiers ! Le secrétaire aux choses prisonnières.
Et dans ce monde de choses, l'humanité s'évanouit. Le meilleur des mondes tend à nous réduire à ce rien, à moins que rien, au zéro du néant. Le néant, selon Platon, est inexprimable, voilà pourquoi la condition prisonnière est devenue indicible. Le néant des choses prisonnières répond en écho à la tolérance zéro et au zéro défaut de votre pays prétendument et autoproclamé berceau des droits de l'homme, mais qu'importe pour les bonnes âmes puisque nous ne sommes plus de chez vous mais d'ailleurs, du pays des prisons...
«La résistance à l'oppression est un droit naturel» ( DELGRES lors du rétablissement de l'esclavage par Napoléon 1802)
Sans révolution, pas de hic
Nous crèverons Rue Copernic.
Chronique n°3
Prenons de l'altitude
Début Juillet, le même jour, deux cour d'Assises ont rendu leur verdict. A Lille, un policier accusé du meurtre d'un jeune arabe. a été condamné à 3 ans avec sursis. Il n'ira pas en prison. A Aix en Provence, trois prisonniers qui tentèrent de s'évader en hélicoptère, ne sortiront pas de sitôt, la peine s'est ajoutée à la peine, respectivement 10, 8 et 6 ans. Non ! Nous n'allons pas un nouvelle fois évoquer l'iniquité des décisions de cette administration de justice. Nous savons que l'Etat et les toges rouges protégeront toujours leurs flics quoiqu'il arrive - ils ont tellement besoin d'eux - et qu'ils abattront d'autant plus leur courroux sur les plus misérables. Et qu'y a-t-il de plus vulnérable qu'un homme déjà enchaîné?
Comme au catéchisme, chaque procès a sa morale, il doit porter à la connaissance de tous le message des touts puissants.
A Lille, en vérité je vous le dis, tout policier qui tirera pour tuer, à 15 cm de la nuque, sera absous.
A Aix, rues chers frères, tout prisonnier qui profitera de l'occase et tentera de se faire la malle sera sévèrement châtié.
Et dans les chaumières et les cabanons de Police city, la messe est dite à la télévision. La vestale du vingt heures, lookée Chanel, annone la sentence.
Quelques images illustrent le propos.
A Lille, le flic assassin sort protégé par des amis de la police comme il se doit. Il porte un gilet pare-balle. «Le pauvre, il est menacé !». Sa femme en pleur n'est pas loin. On a droit à quelques larmes au téléobjectif.
A Aix, Ils reviennent sur le " crime ". Souvenir d'un cadavre pendu au filin sous l'hélicoptère, évocation de la course poursuite sur la route de Cassis, puis des vues de la prison des Baumettes, une sensation de fourmilière dangereuse, cour de promenade exotique et des bras aux fenêtres des cellules qui se tendent vers le ciel. La journaliste évoque un «verdict de clémence». Pour le jugement de Lille ? Bien sûr que non ! Mais pour celui d'Aix évidemment...
La prêtresse médiatique est si absente, étrangère, à la réalité des situations dont elle parle, que 10 ans de prison paraissent une broutille. Elle qui pleura si fort lorsqu'un de ses collègues fut retenu quelques semaines par des miséreux sur une île lointaine. Elle ne sait rien de ce qu'est la vie des détenus repris après une évasion, 1e mitard, l'isolement, les humiliations et les pressions permanentes des matons.
Alors 10 ans de plus...
La France est connue pour avoir, avec la Turquie, le système pénitentiaire le plus rétrograde d'Europe. Et pas besoin de revenir sur les deux rapports parlementaires qui ont fait l'actualité de l'an passé. Mais ce pays est également connu pour faire de l'évasion, tant de ses préparatifs, de la tentative que de l'acte lui-même, un délit. Car chez nos voisins, comme en Suisse ou en Belgique par exemple, la cavale est un droit reconnu à ceux qu'on punit et enferme, un droit naturel en quelque sorte.
Et les choses ne vont pas en s'améliorant. Le code pénal mis en application en 94 a rebaptisé l'évasion d'atteinte à l'autorité de la justice et des magistrats. Ils sont allés jusqu'à qualifier d'évasion le non retour de permission ! Pourtant ça ne suffisait pas puisqu'à Aix, pour les magistrats, il ne s'agit plus de poursuivre un délit mais un crime. C'est pourquoi, le Procureur requit contre les détenus des Baumettes 20 ans de réclusion ! Et pourquoi pas perpette !
Pourtant l'assassiné fut un prisonnier criblé de balle bien que désarmé. Rassurez-vous brave gens, le gardien qui fit le carton - un mort et deux blessés graves - ne fut jamais inquiété. Et comme dans ce pays on fait bien les choses, on le promotionnaet on le décora...
Si nous avions mauvais esprit, nous pourrions dire qu'à Lille et Aix, les assassins sont absous, parce qu'ils portent un uniforme, parce qu'il représentent l'autorité... Mais surtout parce qu'ils sont protégés par les ligues factieuses des syndicats policiers et pénitentiaires, piliers du lobby sécuritaire qui aujourd'hui font et défont les élections.
Pour conclure, nous dirions que dans ce pays, désormais, il est jugé moins grave de tuer un citoyen reconnu de seconde zone que de tenter d'échapper aux mouroirs et autres éliminatorium de la République.
Voilà la leçon qu'il faut tirer des procès de juillet 2002.
Rien n'a vraiment changé au royaume de France. " Suivant que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir "
Sans révolution, pas de hic
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Chronique n°4
Demande d'emploi : Cherche patron philanthrope...
«Détenu â la Centrale d'Arles, entrant dans les critères d'une libération conditionnelle,fin juillet 2002, cherche patron philanthrope pour contrat de travail à durée indéterminé, CDI exigé immédiatement.Toutes régions de France sauf vingt trois départements pour cause d'interdiction de .séjour et en particulier le département où réside famille et amis.
Tout emploi fera l 'affaire.
Condition :
Accepter un enquête de gendarmerie sur votre personne et votre entreprise.
Patienter un mois minimum avant premier contact avec le futur employé.
Téléphoner trente fois au service social de la Centrale pour confirmation de la réception de chaque document envoyé.
Signer en blanc le contrat de travail sans la présence effective de l'intéressé espérer plusieurs mois, sa présence au travail.
Recommencer toute la procédure depuis le début si la Commission refuse la libération conditionnelle en la remettant à plus tard.
En conclusion, évadez-vous du train-train quotidien. Oubliez la main d'œuvre qui se présente tous les jours à vos bureaux d'embauches et jouez avec nous au jeu de piste et saut d 'obstacles concocté joyeusement par le juge d'application des peines de ce pays. Survivor, Ko-Lanta et autres aventures vous paraîtrons bien facile.
Vous ne lirez jamais cette annonce. Jamais. Bien qu'elle soit la réalité vécue par plusieurs milliers de prisonniers attendant en vain un contrat de travail.
De toute manière, il manque toujours une pièce au puzzle qu'est un dossier de conditionnelle. Pendant dix, douze, vingt ans, tout a été fait pour que le prisonnier ait le moins de contact possible avec le dehors. Tout est compté, savamment dosé, les permis de visite, les heures de parloir, les coups de téléphone... Et avec le temps, on perd pied. Le fil qui nous lie au dehors se défait. On ne s'en aperçoit pas tout de suite, puis on laisse faire, on oublie... On ne distingue plus votre monde que dans le phantasme et dans l'amputation d'une partie de nous même.
Et puis un jour, on y est, on touche enfin du doigt cette date rêvée depuis des années. La peine incompressible est terminée, on est libérable. La prison n'est plus la même. Tout est devenu plus long, plus court aussi. On est plein d'impatience et de désespérance au fur et à mesure que les difficultés s'ajoutent aux désillusions. Le contact avec la réalité de votre monde est une déchirure, nous sortons de l'enfer pour les limbes incertaines du purgatoire.
Il faut monter un dossier, trouver ce fameux contrat de travail, dégotter un hébergement... Comment y parvenir après tant et tant d'années quand bien souvent, le tribunal a prononcé contre vous une interdiction de séjour, dans cette ville où justement il vous reste quelques attaches, quelques connaissances. Bien sûr vous pouvez toujours trouver une formation, mais ça n'est pas bien solide. On vous en fera le reproche.
D'ailleurs votre dossier est noir.
Le Juge a été clair, trop de tentatives d'évasion, trop de rapports d'incident. " C1est pourquoi vous finissez dans une centrale de sécurité " dit-il comme une évidence. " Vous avez déjà en deux peines supplémentaires, je vais demander l'avis d'un psychiatre ".
A Arles, on le connaît bien l'expert psychiatre. L'entretien commence invariablement par " vous vous faites enculer? Paraît que, dans cette centrale, vous êtes tous des pédés... ". Ne pas réagir, ne rien dire, baisser la tête. Combien ils profitent de notre merci ! Les éducateurs, les juges, la direction... nous font tourner en rond avec un anneau au museau.
Vous pouvez sortir dans trois mois mais si ça se passe mal ils vous condamnent à quatre ou cinq ans ou plus encore...
Finalement, il y a toujours une bonne raison.
" Le prisonnier à un niveau trop élevé pour le métier de plâtrier et en général pour tout autres métiers manuels"
" L1enquête sur l'entreprise est mauvaise, la société risque de déposer son bilan sous peu ".
" Votre employeur est sarde et vous savez bien que les sardes sont tous des bandits de près ou de loin "
Et le dossier est ajourné. Il ne sera examiné que dans une année jour pour jour. Et bien souvent, ce n'est pas de votre faute, le service social n'a pas fait son boulot ou mal tout simplement.
Et puis avec le temps, on tourne la page, un an, une autre page, une autre année. On finit par se rendre compte que tout ça n'est que du cinoche. Ils nous font patienter en nous berçant d'une rengaine inventée mais ils ne nous sortiront pas ou alors quand il nous restera six ou huit mois avant la date de libération définitive.
Alors on ne cherche plus.
Le dossier de conditionnelle se couvre de poussière sur le placard. On ira au bout.
Sans révolution, pas de hic
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Chronique n°5
Comment payer le travail carcéral ?
Après des lustres d'exploitation extraordinaire, dans les hautes sphères de la pénitentiaire, un " brain storming " agite dangereusement les pauvres cervelles des responsables. Comment payer le travail carcéral ? Et tout ce tracas par la faute de quelques parlementaires qui surent fermer les yeux si longtemps. Mais, un jour, sans qu'on ne sache dire pourquoi celui-là, ils ont fini par s'indigner de la surexploitation ou plutôt de l'esclavage récurant dans les prisons du beau pays de France.
Il est vrai que dans des établissements, on dégotte encore des gars bossant 7 jours sur 7, 10 heures par jour pour un peu moins de 500 balles à la fin du mois...
Comme partout l'exploiteur profite de la misère pour faire chuter le prix de la force, de travail. C'est la loi d'airain du capitalisme, n'est-ce pas ?
Et où y a-t-il plus de misère que dans les prisons ?
En conséquence, comment payer le travail carcéral quand le rapport de force se reproduit à un tel degré et qu'il ne peut plus être nié ?
Lorsque le directeur de la Régie Industrielle des Etablissements Pénitentiaires fait la retape devant les chambres d'industrie, ne vante-t-il pas l'embellie d'une telle main d'oeuvre ? Pourquoi s'en priverait-t-il ?
Tout d'abord une docilité garantie à toute épreuve. Si un détenu quitte le boulot dix candidats se présenteront le lendemain. Si le prisonnier refuse la tâche, s'il rompt le Contrat qui n'a de contrat que le nom, il sera jeté au mitard, menacé de transfert et il perdra plusieurs mois de grâce en étant considéré comme forte tête...
Secundo une précarité totale qui ferait rêver les pire prédateurs du Medef and C°. Le travailleur est payé à la tâche comme dans les ateliers du 19è siècle. Bien sûr aucun point retraite, et s'il arrive un accident, on ne lui payera pas d'arrêt maladie. On le remplace tout bonnement. Pas d'état d'âme. Même s'il a cotisé au prix fort pendant dix ans. Pas un rond pour lui. Qu'il crève ! Et s'il ose la ramener, il faut qu'il sache que la grève est durement réprimée, et en tant que mouvement collectif sévèrement punie par les tribunaux.
Quand ce n'est plus par la force du bâton que nous descendons dans les ateliers, c'est par la carotte que nous balade devant les naseaux le Juge d'Application des Peines. Car si on travaille, on bénéficiera d'un mois supplémentaire de grâce. Alors on n'est pas très regardant. Et si on fait assez de pièces, qu'on bosse à fond en courbant l'échine, la paye ainsi engrangée, nous permettra de «faire amende honorable». C'est le cas de le dire puisque nous rembourserons à crédit les parties civiles.
Un détenu cotise en pure perte pour les assurances. Accident de travail, veuvage, vieillesse. maladie/maternité. RDS. CSG... et tutti quanti...
A la Centrale d'Arles, le calcul est vite fait, le juge vous octroie un deuxième mois de grâce pour 1 200 balles déboursés par an. Drôle de comptabilité ! Un jour de liberté équivaut à juste un peu plus de 3 francs.
Quoiqu'on ait fait, quelque soit le crime, si on a un petit pécule on pourra se faire pardonner par mensualité et, après une décennie de petits profits, gagner un an. En prison, l'hypocrisie est élevée au rang de vertu suprême !
Mais il y a des pauvres, des plus pauvres que nous, pour qui 3 francs représentent un peu de nourriture supplémentaire. Non seulement pour lui mais surtout pour ses mômes laissés à l'extérieur et souvent loin en Colombie, en Afrique...
Il y a tant de misère dans les prisons.
Dans ce pays où l'on paye les jours de liberté comme des paquets de sucre ou de spaghettis, tout ça ne leur dit pas comment payer les journées de travail ?
A Arles, nous n'avons pas le choix, nous descendons à l'atelier de confection tailler les costards de nos geôliers. On coud les galons, on coupe les pantalons, on tisse les chaussettes de fil d'Ecosse... On habille tous les matons de France et de Navarre. Pour nous, ça ne sera jamais tout à fait un boulot comme un autre mais on le fait puisqu'il n'y a que ça. On embauche à 7 heures et on débauche à 13 heures. On fait la journée continue dans notre journée continue de taulard. Et chaque été, nous avons cinq semaines de vacances si l'on peut dire, on ne partira pas à la mer... Mais s'ils nous donnent des congés, ce n'est pas par bonté d'âme, ils n'ont simplement plus assez de personnel pour surveiller les ateliers et la détention...
Jamais nos congés ne sont payés. Et cela 66 ans après les lois de 1936...
Depuis l'an dernier, la question de la rémunération du travail carcéral était en souffrance. Les rapports contradictoires se sont multipliés. Les commissions se succédèrent et les plus agités des fonctionnaires se démenèrent... Et puis un surfeur de la vague des tolérances zéro, le nouveau ministre s'empressa d'éclairer le débat d'une pensée lumineuse.
«En vérité je vous le dis, le travail en prison n'est pas un travail comme les autres ". Conséquence toute logique, inutile de respecter les droits du travail et autres textes ordinaires. L'exception de cette exploitation perdurera.
Les lois, les jurisprudences et les prud'hommes, les patrons pénitentiaires s'en balancent et s'en balanceront. Nous ne sommes que des prisonniers, pas grand chose finalement. Pas tout à fait des hommes, même pas des ouvriers.
Ouf ! Enfin tout est clair, le problème est à nouveau reposé sur des bases saines... Maintenant il faut qu'ils décident comme l'inquisition détermina si les femmes ou les indiens d'Amérique avaient une âme : Sommes-nous des moitiés d'ouvrier donc à travail égal salaire de moitié, ou sommes nous des tiers d'ouvriers. Même pas un tiers état. Rien. Et ce rien qui va au boulot chaque matin de la semaine aux mêmes heures que vous, travailleurs à part entière d'Arles, se demande bien souvent où sont passés les songes de l'unité ouvrière.
Sans révolution, pas de hic
Nous crèverons Rue Copernic
Chronique n°6
La génération perdue...
Mercredi dernier, 17 juillet, le sieur Perben, Ministrone de la Justice en Chiraquie, a présenté devant le conseil des ministres le projet de loi sur le rétablissement des prisons pour enfants.
Comment peut-on s'étonner que la première loi de ce gouvernement soit une loi d'inspiration policière ? Depuis des lustres, les ministres de la Police qu'ils soient de gauche ou de droite la réclamèrent, de Gaston Deferre à Chevènement, de Pasqua à Sarkozy.
Les petits piranhas des cités de l'exil périurbain inquiètent le bon peuple accros aux drogues dures de la sécurité. Et la masse des électeurs n'a-t-elle pas choisi le parti de l'ordre ? Les journaux de TFN ont si bien su dealer leur camelote de trouille à chaque rayon.
Nous entrons dans le troisième millénaire avec une loi digne du 19ème siècle ! L'inspiration policière ne restera-t-elle pas à tout jamais marquée par l'esprit de Javert? Rassurez-vous tout de suite, croyez-en notre longue expérience de la répression, vous avez prix le bon chemin, et de quelques petits voleurs de miches de pain vous allez faire de redoutables forçats.
Arrêtez...
Nous savons bien que de nos jours, ils vendent des barrettes de shit et tirent des portables. Mais l'esprit demeure le même. Le système réprime la misère qu'il a su si bien entretenir, et tout naturellement le néolibéralisme a opté pour la solution du bon vieux libéralisme bourgeois... la criminalisation des pauvres.
Que vaut une société qui envoie ses enfants en prison ?
Nous ne croyons pas plus aux tartuffes bedonnants qui sacralisent les ordonnances de 45.
Reconnaissons tout de même qu'inspirées par l'esprit de la Résistance et surtout par des hommes qui avaient connu la paille des prisons, ces lois étaient un mieux. Une tardive mais juste éradication des bagnes des enfants. Pourtant elles ne furent jamais la panacée. Jamais.
C'est facile de ne voir que le bon côté des choses en restant du côté du manche, toujours du côté du manche. Alors profitons aujourd'hui de cet échange pour vous dire ce qu'a été l'expérience du côté du bâton. Car pour ce qui est de l'après guerre, nous voudrions vous rappeler quelques histoires, souvent des histoires intimes.
Depuis les années 50, le gros du bataillon des réclusionnaires peuplant les centrales de ce pays, est issu des quartiers populaires et forgé à la haine aux foyers de la PJJ et de la DASS. Si les orphelinats ont produit une activité délinquante plus classique, la génération des «blousons noirs» réprimée dans les IPES - les maisons de correction des années 60 - a été le fer de lance de la vague des équipes de braqueurs qui écumèrent les années 70. Leur audace se vérifiait dans les prises d'otages et les fusillades sanglantes. Les équipes se montaient autour des Centres d'éducation Surveillée, à Savigny sur Orge pour la banlieue sud, à Aniane pour le midi et à chaque région, sa pouponnière de la nouvelle criminalité.
Les pères fouettards diront qu'avec de la mauvaise graine, on ne récoltera jamais rien de la bonne céréale. Eux qui ressemblent si bien aux éducateurs qu'ils nous envoyèrent pour nous mâter. Les cerbères essayèrent d'en finir avec notre révolte à coup de trique. Surtout, le soir des fugues, quand les gendarmes nous ramenaient enchaînés. Ici à Arles, des décennies plus tard, il faudrait qu'on montre aux nostalgiques des ordonnances de 45, quelques cicatrices moissonnées au nom de la déesse éducation.
Et il n'y a pas eu seulement des coups.
Il y eut les privations, le " pain sec " pour les punis et encore un repas sur deux...
Il y eut les arbitraires, les vexations, l'acharnement sur les souffres douleur. Ils nous donnèrent un bagage minimum juste celui dont on a besoin en prison : savoir mentir et dissimuler, résister au pire, faire les coups en douce, ne pas montrer ses sentiments, la politesse serait une faiblesse et la sacro-sainte hypocrisie toujours...
Dans certains établissements, les plus horribles, si l'on voulait bouffer à sa faim et échapper aux corvées les plus dégueulasses, il fallait accepter des éducs les caresses salasses ... Voilà comment fut protégée une partie de la jeunesse par les éducateurs judiciaires.
Et l'on voudrait que l'on fut de gentils garçons.
Nous n'étions pas bons, il est vrai, mais ils nous rendirent mauvais...
A la Centrale d'Arles, les jeunes des cités sont encore rares. Ils écoutent du Rap à fond la caisse, parfois le soir tard. Ils parlent au fenêtres comme aux Baumettes, ils roulent des épaules sur les coursives... Ce n'est pas bien grave. Pour sourire, on les surnomme d'un terme qui leur va si bien : les Grimlins.
Et pour le moment, les hordes de Grimlins sont abonnés aux petites peines.
Ils peuplent les Maisons d'Arrêt et les Centres de détention régionaux. Ils n'ont jamais su créer une délinquance nouvelle, ils sont restés dans leur quartier, en bas de leur immeuble et ils se débrouillent seulement à la petite semaine...
Mais les experts de la tolérance zéro ne peuvent plus accepter ces accès de fixation à faible intensité d'illégalisme. Ils veulent taper un bon coup de talon dans la fourmilière et démanteler la petite économie marginale faisant vivre des milliers de familles démunies. Vous n'avez plus l'intelligente gouvernance qui vous permettait de saisir qu'il faut impérativement laisser un espace d'autonomie relative entre la précarité néolibérale incapable de donner du travail à tous les pauvres - et l'assistanat de masse réduisant plusieurs millions de personnes à la mendicité étatisée.
Les flics ont reçu carte blanche. Ils vont capturer au flash ball plusieurs centaines de gamins. Puis de plus en plus, toujours plus. Les juges pour enfants les jetteront dans les nouveaux cachots de la PJJ. Malgré leur bonnes intentions, les éducateurs, les matons, les éducateurs-matons seront mobilisés au tout sécurité. lis s'enfermeront dans le conflit qui naîtra immanquablement et de toute évidence. Dans la prison, la répression l'emporte toujours. Le conflit entre celui qui souffre et veut s'enfuir et celui qui finit toujours par le surveiller et le punir est inéluctable. Dès cet instant, il n'y a plus de limite, l'engrenage est sans fond.
Nous n'avons rien de voyants extralucides mais nos prévisions reposent sur le vécu du peuple des prisons. Et croyez-nous sur parole, les bandes de Grimlins sortiront des foyers de la tolérance zéro avec pour seule éducation la capacité d'inventer une délinquance bien plus dure que celle de leurs prédécesseurs sortis des foyers de la DASS et des centres d'éducation surveillée.
Vous qui philosophez tout le temps
Et critiquez les gens
Vous pouvez sortir vos mouchoirs
Mais il est bien trop tard
(D'après Dylan)
Sans révolution, pas de hic
Nous crèverons Rue Copernic
Chronique n°7
Ce que nous sommes
Le proverbe populaire dit qu'il faut tourner et retourner sept fois la langue dans la bouche avant de parler. Sept, chiffre des anciennes religions, sept comme les jours de la semaine. Et un jour après l'autre, nous avons pris la parole. Ce fut notre exercice mais nous voici rendus à notre ultime chronique.
Nous voulions partager avec vous ces discours.
Un message quotidien comme on cause entre nous dans les cours. Que retiendrez-vous ? Nous n'en savons rien.
Et nous, que retiendrons-nous ? Nous n'en savons pas plus.
Nous sommes de votre monde, ô combien !
Nous sommes la représentation encore vivante de la menace permanente qu'ils font peser sur vos vies insectoïdes et obligatoires, quand le décervelage du dressage ne fonctionne plus...
«Mange la soupe mon petit, sinon tu finiras en prison...»
Cependant, nous ne sommes plus de chez vous.
Aussi !
Car nous appartenons au pays des prisons, celui tendant vers l'autonomie, comme une vieille province colonisée. Insoumise. Nous voudrions bien larguer les amarres, mais nos pieds sont coulés dans le ciment des quais. Et nous nous noyons le hoir venu à l'écran de nos télévisions...
Nous sommes de la dimension X. Indicible et indocile. Nous venons de la quatrième longitude rugissant aux murs gris et aux cubes de béton comme une symphonie pathétique.
Nous sommes les numéros du nouveau jeu du cirque. Ceux qui finiront aux lions ou percé du glaive. Nous sommes le malheur des vaincus au péplum indigent de l'Empire. Nous sommes les éternels crucifiés, immortels et anonymes.
Nous sommes les galériens et les questionnés de toutes les tortures. Nous sommes les bagnards et les casseurs de cailloux, les guillotinés et autres «cou-de-Jatte». Nous portons en nous cette souvenance collective, bras dessus, bras dessous. Pareil aux bonnes moeurs Hantant la nuit désertique de nos geôliers. Et vous ? Vous acceptez sans doute la prison comme un mal nécessaire, comme vos ancêtres toujours inconnus admettaient les pires châtiments comme les plus viles vertus. «Que faire» ? Que dire ?
Oui bien sûr, qu'y pouvez-vous ?
Nous sommes les songes de liberté quand tous les autres ont oublié de rêver.
Nous sommes Lacenaire et Macaire retrouvant leurs enfants aux paradis.
Nous sommes Blanqui et Louise Michel, tous deux rougis à l'incendie des barricades. Nous sommes les misérables et autres Ténardiers, pour le père fouettard mais aussi pour Gavroche. Nous avons fait le plein de munitions à nos musettes, nous sommes prêts pour la java. Surtout quand nous avons dans l'idée de faire danser quelques bourgeois et flics de premier choix.
Nous nous souvenons d'un temps où sempiternelle, l'amnésie est de mise.
Nos cœurs rebelles battent sous la chemise en voyant les juges filer du mauvais coton. Nous sommes la mauvaise graine. Celle qui pousse à l'ombre des réclusions.
Nous sommes la Mandragore prenant racine au pied des potences. Solides comme le chanvre de la corde aux pendus. Nous sommes les adeptes crapauds d'une cuisine monstrueuse. Les sorcières et autres empoisonneuses nous enfantèrent à leur sabbat. C'est pourquoi nous avons toujours aimé les filles libérées, la fille du pirate et celle du père Noël.
En somme, nous sommes bien peu de choses et tout à la fois. Parce qu'à hautes doses, nous sommes l'air de la chanson. Celle qui rappelle qu'un 14 juillet, le peuple fit le tour de Paris avec au bout d'une pique la tête d'un directeur de prison...
Ah ça ira, ça ira...
A bientôt peut être.
Ça ira, ça ira...
Sans Révolution, pas de hic
Nous crèverons Rue Copernic
PS : Une dédicace spéciale pour celle qui redonna aux forçats que nous sommes nos voix de fille...
Merci aussi pour le rayon de soleil qui illumina lundi dans l'après midi notre bunker de béton...
Jean-Marc Rouillan