CHRONIQUE POUR MEMOIRE DE LA LUTTE DES PIONS DE BASSE-NORMANDIE1
Bilan (provisoire) de la lutte des pions dans l’académie de Basse-Normandie.
Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen (S.I.A.)2
Nous sommes en Janvier 2003, cela fait maintenant plus de 3 mois que, dans une poignée d’académies, des pions et des aides-éducateurs sont entrés en lutte contre un certain nombre de mesures gouvernementales. Voici un premier bilan de cette lutte à laquelle le SIA se trouve mêlé. Vous trouverez ici un récit chronologique de la lutte accompagné, dans les colonnes grises, d’infos complémentaires permettant de mieux la comprendre.
Chronologie de la lutte:
Mi-Septembre 2002: Des nouvelles inquiétantes commencent à circuler dans l’académie via les organisations syndicales. Le nouveau gouvernement aurait décidé de supprimer 5600 postes de surveillants. 20 000 aides-éducateurs perdraient aussi leurs postes. Un nouveau statut "d’assistant d’éducation" serait crée et 11 000 personnes seraient recrutées dans ce cadre. Toutes ces mesures deviendraient effective à la rentrée de Septembre 2003.
Mardi 24 Septembre: Les syndicats SNES et SGEN-CFDT (section pions) régionaux appellent à la grève le 24 et à se rassembler devant le rectorat de Caen. Une centaine de collègues, essentiellement des pions non-syndiqués, se regroupent à cette occasion. Les infos sont assez rares et floues concernant le nouveau statut "d’assistant d’éducation". La situation, bien que confuse, est préoccupante. Les syndicats envoient une délégation transmettre au rectorat leur refus des suppressions de postes et leur inquiétudes concernant l’avenir des pions et aides-éducateurs. Un bref compte-rendu de la délégation est effectué dans la cour du rectorat. Le rassemblement est foireux. Les gens ne souhaitent pas se disperser et certain(e)s réclament la tenue immédiate d’une AG. Les syndicats demandent une salle au rectorat qui leur répond qu’il n’y en a pas de libre.
L’énervement augmente et une partie des gens présents se massent devant la porte principale du rectorat (évidemment bouclée) et commencent à la secouer en gueulant. En 3 minutes, le rectorat annonce que, finalement, ils peuvent nous libérer une salle en préfabriqué derrière le bâtiment principal. Comme quoi ça avance plus vite en gueulant…
L’AG fait un point rapide sur la situation et décide d’appeler à une journée de grève le 02 Octobre. Une AG est aussi prévue ce jour là. Les syndicats, à la demande de l’AG, s’engagent à déposer un préavis de grève et à envoyer une affichette d’info dans tous les bahuts de l’académie.
Mercredi 02 Octobre: 130 grévistes se rassemblent à l’AG qui se tient dans un amphi de la fac de Caen. Là encore, très peu d’aides-éducs présent(e)s. Les débats tournent un peu en rond. Des interventions poussent à l’action. Il est finalement décidé de mettre en place, malheureusement à la va-vite, un comité de lutte (regroupant syndiqué(e)s et non-syndiqué(e)s) et de participer en tête de cortège à la manif de l’Education Nationale le 17 Octobre.
Cependant, afin d’éviter que nos revendications ne soient noyées au milieu de celles des profs, une journée de grève et d’action propre aux pions et aides-éducs est décidée pour le 15. Les syndicats s’engagent une nouvelle fois à déposer un préavis et à envoyer de l’info dans tous les bahuts.
Pratiquement dans le même temps, la circulaire Boissinot (directeur de cabinet du ministre luc Ferry), en date du 27 Septembre, précise quelque peu les intentions gouvernementales et commence à circuler dans les établissements.
Mardi 15 Octobre: L’AG regroupe environ 150 personnes à la fac dont des étudiant(e)s mobilisé(e)s contre les projets de réforme universitaires et l’harmonisation européenne des diplômes. Le comité de lutte a préparé, à l’arraché, un petit texte d’information pour les lycéens et les parents d’élèves.
Après l’AG (assez chaotique) on part en manif vers le centre ville. Peu de slogans et pas de banderoles. On arrive devant le lycée Malherbes, le lycée d’Etat de l’académie (directement sous la coupe du ministère). Il est collectivement investi malgré les protestations furieuses du proviseur. Les plus décidés passent parmi les grilles et bientôt les autres manifestant(e)s passent par la grille principale. Les couloirs sont parcourus par plusieurs groupes de grévistes qui rentrent dans les classes, donnent quelques explications et diffusent le tract. Celui-ci est bientôt épuisé. La photocopieuse du bahut est donc mise à contribution grâce à des complicités locales spontanées et plusieurs centaines de tracts supplémentaires sont tirés et distribués. L’accueil des profs est plutôt favorable.
Après cette action de désobéissance collective (il est interdit de manifester dans les établissement scolaires), nous partons à environ 200, renforcés par des élèves et quelques profs solidaires, vers le rectorat où la police nous attend. Impossible d’entrer dans le bâtiment. C’est donc à grand cri qu’on demande à la rectrice de descendre. Celle-ci y consent et un débat houleux s’engage avec elle sur le perron du rectorat. Nous lui signifions notre refus des suppressions de postes, notre revendication de voir les emplois-jeunes intégrés dans la fonction publique, notre rejet du statut dégradé "d’assistant d’éducation". Le payement des jours de grève est aussi réclamé. Une fois la rectrice barrée, les gens discutent de manière dispersée et commencent à partir. Une AG est fixée sur le tas pour le 06 Novembre.
Le dernier carré de 50-60 manifestant(e)s, voulant marquer le coup, s’empare d’une bonne quantité de bois provenant d’un chantier aux abords du rectorat et y met le feu dans la cour malgré les menaces des RG. Ceux-ci contactent alors la préfecture qui fait venir les pompiers. Le feu est finalement éteint dans une ambiance rigolarde coté manifestant(e)s et furieuse coté police. Nous repartons ensuite de manière groupées au cas où la police tenterait quelque chose…
Jeudi 17 Octobre: La manif de l’Education nationale regroupe plusieurs milliers de personnes à Caen. Bonne participation des pions (très peu d’aides-éducs présent(e)s) mais en ordre dispersé ce qui fait qu’il ne sera pas possible de prendre la tête du cortège vu que les bureaucrates syndicaux, pas content du tout de la tentative de débordement, veulent absolument qu’on défile derrière la banderole de l’intersyndicale. Ça nous apprendra à ne pas nous fixer au préalable un point de rendez-vous spécifique…
La manif est molle. Pions et étudiants reprennent quelques slogans contre la précarité, le délire sécuritaire ("surveiller mais pas toujours punir", "ni précaires ni matons"…), la baisse du budget, les dépenses militaires et la guerre qui s’annonce en Irak.
Arrivés au grand carrefour à coté de la préfecture, une centaine de pions qui ont finalement réussi à se regrouper plus ou moins, commence à le bloquer, bloquant du même coup la manif. Les bureaucrates des syndicats qui ont prévu d’aller jusqu’à la préfecture sont obligés de s’activer dans la confusion pour faire passer la manif. Une fois tout le monde arrivé devant la préf, la traditionnelle délégation syndicale demande à être reçu par le préfet. Mais seul un sous-fifre de celui-ci se présente pour recevoir la délégation qui, outrée et déçue, décide de ressortir aussi sec. La dispersion de la manif est alors rapidement annoncée.
Un petit groupe d’aide-éducs, énervé par le coté "traîne-savates" de la manif, se met alors à gueuler sur les syndicats. Les gens partent peu à peu mais les pions et aides-éducs refusent de se disperser. Un petit groupe s’empare de quelques barrières installées devant la préfecture et retourne les installer sur le grand carrefour relançant ainsi le blocage de celui-ci par une centaine de personne pendant une bonne demi-heure (même la camionnette sono de la CGT ne passera pas). Le tout sous le regard irrité de la police...
Mercredi 06 Novembre: L’AG convoquée ce jour là est un fiasco total (une dizaine de personnes présentes). La décision de l’organiser avait été prise à l’arrachée et dans la confusion lors de la descente au rectorat le 15 Octobre. Sa date fut rappelée lors d’intervention orales le 17 et c’est tout. Les syndicats ne furent pas relancés et aucune affiche ne fut envoyée dans les bahuts. Pas de préavis de grève déposé et entre le 17 Octobre et le 06 Novembre, il y a eu les vacances. Le comité de lutte mis en place le 02 Octobre est complètement déliquescent. Du coup le mouvement reste suspendu pendant plusieurs semaines.
Mercredi 27 Novembre: La section pions du SGEN-CFDT appelle à une AG, relayée par un préavis de grève, sur la fac alors qu’à Paris une rencontre doit avoir lieu entre les directions des grands syndicats et le ministère. 60 personnes se réunissent et décident d’essayer de relancer la dynamique de lutte. Un appel à la grève et l’action est lancé pour le 12 Décembre et le 14 Janvier. Le SGEN s’engage à contacter le SNES et à relayer ces appels par le dépôt de préavis de grève et l’envoi de tracts d’infos dans les bahuts. Au passage, sa responsable fait la promo de la participation aux élections paritaires de début décembre. Une petite partie de l’AG se rend ensuite au rectorat pour rejoindre quelques dizaines d’aides-éducs et de syndicalistes réunis pour protester contre les menaces gouvernementales. De rapides discussions ont lieu avant la dispersion.
A Paris, les syndicats quittent la rencontre avec le ministère. Celui-ci publie dans la foulée un communiqué de presse annonçant les grandes lignes du futur statut "d’assistant d’éducation"
Samedi 07 Décembre: Raffarin vient à Caen dans le cadre des "Assisses pour les libertés locales" afin de vanter sa politique de décentralisation. Une manif a lieu. Des pions et aides-éducs en lutte y participent. La police finit par charger brutalement: plusieurs blessés coté manifestants (voir le compte-rendu dans ce même journal).
Dimanche 08 Décembre: Quelques pions de l’académie se rendent à la manif parisienne pour la défense de l’éducation et participent spontanément à la réunion de coordination nationale qui rassemble des pions et aides-éducateurs qui sont entrés en lutte dans plusieurs académies.
Jeudi 12 Décembre: L’AG regroupe environ 200 personnes (pions, aides-éducs, étudiant(e)s en lutte, lycéen(ne)s…) et démarre de manière confuse mais de virulentes interventions permettent, non sans mal, de structurer un peu les débats. Un nouveau comité de lutte est crée, il est décidé d’occuper un bâtiment administratif (tenu secret) et de lancer une grève d’une semaine du 16 au 20 décembre afin de désorganiser la vie des établissement en particulier en faisant fermer, juste avant les vacances, un maximum d’internats.
En cours d’AG, des centaines et des centaines de lycéens de Caen et de Lisieux qui ont débrayés, entre autres à l’appel de l’Union nationale Lycéenne, arrivent en cortège sur la fac en provenance du centre-ville où ils se sont rassemblés en début d’après-midi. Ils protestent contre la diminution du budget de l’éducation et celle des Foyers socio-éducatifs dans les bahuts. Ils ont décidé de nous rejoindre pour manifester leur solidarité avec nous.
On part donc à un gros millier en cortège sauvage vers le centre-ville. Le cortège zigzague de manière inattendue dans les rues mettant les flics sous pression. Arrivé prés de la préfecture, une quinzaine de pions, dont certains se sont prépositionnés, rentrent dans la Trésorerie Générale qui est bientôt occupée par 200 personnes tandis qu’un sit-in s’installe juste devant sur l’avenue.
Au bout d’un moment, les lycéens tenant à manifester jusqu’au rectorat, la manif se scinde en 2. 200 à 300 manifestants continuent l’occupation et le reste du cortège part vers le rectorat où la police attend les lycéens qui demandent à ce qu’une délégation soit reçue. A la Trésorerie Générale, l’occupation se poursuit dans la bonne humeur malgré l’arrivée de quelques flics qui filment les gens au camescope et nous menacent d’une évacuation musclée… dont ils n’ont pas les moyens vu que les flics disponibles sont coincés au rectorat. Héhéhé !!!
L’occupation se termine vers 16H30, un quart d’heure après la fermeture officielle de la Trésorerie, et 200 personnes partent vers le rectorat d’où les lycéens se sont déjà rebarrés.
Vendredi 13 Décembre: Les volontaires, syndiqués ou non, pour constituer le nouveau comité de lutte, responsable devant l’AG souveraine, se réunissent sur la fac et mettant en place une trésorerie et une logistique de base. Un réseau téléphonique est crée. Un syndicaliste calé en informatique s’occupe de la création d’un site d’information sur internet.
On trouve dans ce comité un certain nombre de personnes expérimentés, plus ou moins radicales, ayant parfois lutté conjointement en Novembre-Décembre 95 et en Novembre-décembre 98 lors de la longue lutte des pions bas-normands. Pris de court, il n’a pas été possible d’envoyer une délégation à la 2ème réunion de coordination nationale qui se tenait à Paris le samedi 14.
Lundi 16 Décembre: L’AG regroupe 70 personnes motivées dans la matinée. Un tract de popularisation est adopté après bien des discussions. Des actions sont prévues pour le 17 et le 19. Des réunions quotidiennes du comité de lutte auront lieu sur la fac pendant la semaine de grève. Une collecte a lieu. L’après-midi, une dizaine de personnes du comité de lutte vont passer dans les locaux du SNES et du SGEN plus de 200 coups de fil dans tous les bahuts de l’académie pour annoncer la grève et les journées d’action. Plusieurs milliers de tracts sont tirés avec l’aide de ces 2 syndicats.
En fin d’après-midi, une vingtaine de volontaires se rassemblent et partent en petites équipes volantes faire le tour des bahuts de l’agglomération caennaise qui seront presque tous visités. Des diffs ont lieu dans les casiers des profs, des pions, des aides-éducateurs et auprès des lycéens. 2000 tracts partent en un rien de temps.
Mardi 17 Décembre: Plusieurs milliers de tracts sont directement retirés par le comité de lutte. Des banderoles artisanales sont également réalisées. Environ 150 personnes participent après une AG à l’occupation d’une antenne ANPE, rue Fred Scamaroni, épaulés par quelques chômeurs en lutte contre la réforme de l’UNEDIC.
Le cortège se rend ensuite, dans une certaine confusion, au lycée Malherbes qui est de nouveau investi. Des tracts sont diffés aux lycéen(ne)s. Ce qui reste du cortège se rend ensuite en centre ville où une courte diffusion de tracts a lieu avant la dispersion finale.
Mercredi 18 Décembre: Des grévistes diffusent des centaines de tracts devant les restaurants universitaires du campus 1. L’UNEF (syndicat étudiant proche du PS, issu de la fusion de l’UNEF-ID et d’une partie de l’UNEF-SE) distribue aussi un tract reprenant nos revendications avec un gros logo UNEF et un bulletin d’adhésion.
L’UNEF, jamais à court de grandes leçons à donner, écrit dans ce tract "(…) il est temps de montrer notre détermination. Nous croyons que le rapport de force ne s’impose ni par la violence (qui décrédibilise) ni par la symbolique (inefficace) de l’action mais par le nombre de personnes motivées pour chanter leur mécontentement dans la rue, pour soutenir éventuellement une délégation au rectorat (…)". Le karaoké, arme de transformation sociale !!!
A noter la présence fréquente en AG d’un vieux militant socialo de l’UNEF, récemment revenu de Paris apparemment, et qui fut copieusement vilipendés en Novembre-Décembre 95 pour avoir attaqué physiquement avec le Service d’Ordre de l’UNEF-ID de l’époque la réunion de coordination étudiante où, avec d’autres, il était supposé représenter les étudiant(e)s en lutte de Caen.
Jeudi 19 Décembre: Une centaine de personnes à l’AG. Il est décidé d’envoyer une délégation à la 3ème réunion de coordination nationale à Nantes le samedi 11 Janvier. Le comité de lutte est reconduit dans ces fonctions.
On part ensuite en manif vers le rectorat pour demander le payement des jours de grève après avoir repeint sur la fac la statue du phénix y avoir accroché des pancartes contre la précarité.
Arrivés au rectorat, nous ne sommes plus que 70 environ. Les portes sont fermées et la rectrice absente. Pellizari, un des responsable du rectorat qui avait ordonné l’évacuation musclée des grévistes en 98, refuse de recevoir une délégation. On gueule et on tambourine à la porte. Les RG arrivent avec quelques flics en tenue de maintien de l’ordre.
Nous avions prévu l’impossibilité d’entrer dans les bâtiments du rectorat. On s’était donc organisé pour en bloquer toutes les sorties. La grille principale est donc fermée, cadenassée et décorées de banderoles. La 2ème sortie derrière le rectorat est bloquée avec de lourdes bornes en ciment qui délimitent les allées. Tout le personnel du rectorat se trouve ainsi bloqué à l’heure de sa fermeture.
Les effectifs de police se renforcent et se déploient en rangs avec casques, boucliers et lance-grenades, prêts à charger. La tension monte y compris avec certains fonctionnaires du rectorat qui n’apprécient pas d’être bloqué(e)s. Nous leur expliquons qu’on a plus le choix pour être reçu en délégation.
Plusieurs secrétaires du rectorat téléphonent alors directement à Pellizari en se plaignant de ne pas pouvoir sortir et en lui disant que tant qu’une délégation ne serait pas reçue, elles n’allaient pas pouvoir partir et qu’il fallait faire quelque chose pour débloquer la situation. Ces appels faisaient bien notre jeu et les personnes qui les ont passé le savaient bien ...alors merci les filles !!!
10 minutes après, le commissaire se pointe et nous informe qu’une délégation sera reçue si les barrages sont levés… et nous qui pensions que c’était pour faire les sommations avant l’usage de la force!!! Nous acceptons. Notre détermination a fini par payer.
3 grévistes non-syndiqués du comité de lutte sont reçus par Pellizari qui promet que la rectrice se prononcera à la rentrée sur la question du payement des jours de grève. La délégation lui promet qu’on reviendra. La cinquantaine de manifestant(e)s restante repart ensuite de manière groupée.
Vendredi 20 Décembre: Une quinzaine de grévistes tient un stand d’info sur le marché du vendredi, file des tracts et café, discute avec les passant(e)s, jongle et fait de la musique. Tout le monde est fatigué. Les vacances qui commencent sont les bienvenues.
Samedi 11 Janvier: Une délégation bas-normande participe à la 2ème réunion de coordination nationale à Nantes.
Mardi 14 Janvier: Faible mobilisation à l’AG (une quarantaine de personnes). Du coup, on d’annule l’occupation prévue et on met en place, tant bien que mal, des initiatives pour préparer la mobilisation du vendredi 17 Janvier, appelée par la coordination nationale des pions et emplois-jeunes ainsi que par les "gros" syndicats.
Vendredi 17 Janvier: Taux de grève important dans l’académie. Ça remonte le moral après le communiqué du ministère qui annonce la poursuite de ses projets. AG rapide (à 150). Une occupation est décidée. Une première vague part en bagnole (prépositionnées pas trop loin) pour prendre les flics de vitesse. La deuxième vague rejoint la cible en tramway (sans payer). L’Inspection d’Académie, est occupée par une centaine de personnes. Une délégation est envoyée au rectorat pour transmettre les revendications et demander le payement des jours de grève. La rectrice étant absente, son sous-fifre la reçoit. Aucun arrangement n’est trouvé pour les jours de grève qui commencent à être décomptés des feuilles de paye. Pendant ce temps, l’AG reprend dans une salle de l’inspection d’académie. Vers 19H, la dernière cinquantaine d’irréductible, hilares, quitte les locaux à la queue-leu-leu, en chantant le refrain du même nom, entre une haie de flics en tenue anti-émeutes qui ne s’attendait visiblement pas à ça. Surréaliste !
La suite des évènements vous sera contée dans le prochain N°. Nous y parlerons aussi de la position ambiguë des grands syndicats vis à vis de la lutte.
Suite
Le Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen (petite structure libertaire indépendante fonctionnant depuis 1999) avait diffusé, il y a quelques mois, sur internet un article sur la lutte des pions et des aides-éducateurs de Basse-normandie, article qui couvrait la période du mois de novembre 2002 à la mi-Janvier 2003 et exposait les raisons et le contexte cette lutte. Voici 2 autres articles écrits par 2 compagnons investis dans la mobilisation. Le premier article couvre la période qui va de la fin Janvier à la fin Février et le deuxième celle qui va de la mi-Mars à la mi-Avril. Ces articles ont été publiés dans notre petit journal trimestriel "Solidarité" paru récemment. Ce conflit est à l´heure actuelle terminé, le gouvernement ayant fait voter son projet dégradé d´assistants d´éducation. Au niveau régional, il aura été marqué par une autonomie relativement importante vis à vis des syndicats, par une capacité d´auto-organisation intéressante et par une nette tendance à l´action directe, principalement sous la forme d´occupations. La dynamique de lutte aura donc été assez riche et durable et ce malgré une position intransigeante du gouvernement et du rectorat, une pression policière qui n´a cessé de s´accroître et un clair "lâchage" syndical lorsque l´AG a décidé de radicaliser son action. Ce conflit aura donc été pour nous plein d´enseignements. Toute personne ou structure souhaitant recevoir le premier article diffusé il y a quelques mois peut nous contacter par internet à l´adresse suivante : s.ia@laposte.net Nous nous ferons un plaisir de lui envoyer par courrier électronique. Bonne lecture et bonne réflexion.
LA LUTTE DES PIONS EN BASSE-NORMANDIE: SUITE ET PAS FIN...
Nous avons publié dans le précédent N° de "Solidarité", une chronologie de la lutte des pions en Basse-Normandie et expliqué les raisons du conflit, les conditions dans lesquelles il se déroulait etc.. Cette chronologie s´arrêtait à la journée d´action du 17 Janvier. Voici la suite des évènements.
Mardi 28 Janvier: L´AG, appelée sur la fac une heure et demi avant la manif, n´a regroupé qu´une cinquantaine de participant(e)s, bon nombre de collègues ayant, malheureusement, décidé d´aller directement à la manif plus tard. Le tract proposé par le comité de lutte a été adopté. 1200 exemplaires en ont été tirés pour être diffusés aux autres personnels de la manif. Des banderoles dénonçant la précarité et rappelant nos revendications avaient été faites. Des tracts appelant à la grève envoyés dans tous les bahuts. Des membres du collectif des aides-éducs qui tentait de se monter à Caen s´y sont déplacés ainsi qu´un emploi-jeune du Havre venu donner et prendre des infos. Nous avons rejoints quelques dizaines d´étudiant(e)s mobilisés contre les réformes universitaires et nous sommes partis conjointement vers la préfecture, lieu de départ de la manif. Des prises de paroles dont une au nom de l´AG des pions, ont été réalisées. Il a été publiquement demandé aux syndicats de relayer notre lutte en posant des préavis INTERCATEGORIELS au niveau national et académique. Le tract a été bien diffé. Puis la manif a démarré. Elle a rassemblé environ 1500 personnes. Pions, emplois-jeunes (du collectif de Caen et de celui du Sud-Manche en particulier), étudiants, lycéens et personnels solidaires (plusieurs centaines de personnes en tout) en ont pris la tête, finissant rapidement par déborder la banderole intersyndicale qui avait essayé de squatter le 1er rang. Les slogans visaient la précarité, demandaient l´intégration des emplois jeunes, le maintien du statut des pions, plus de moyens pour l´éducation (et moins pour l´armée et la répression) etc. Des fumigènes ont été allumés durant le parcours. La tête de cortège a été assez dynamique ce qui ne fut pas le cas du reste de la manif assez traîne-savates comme d´habitude. Arrivés au rectorat, une délégation comprenant des membres de l´AG des pions a été reçue par la rectrice. Des pions ont allumés un feu de palette et d´autres fumigènes. Un appel a été lancé aux lycéens présents en vue d´une réunion commune le lendemain afin d´étudier la possibilité de mettre en place des comités lycéens de mobilisation sur quelques bahuts de l´agglomération caennaise. La tension est un peu montée quand nous avons voulu commencer à peindre des slogans au sol. Quelques membres des RG ont alors cherché à nous intimider en nous menaçant de poursuites pour "dégradations". Une grosse vingtaine de personnes ont alors entouré, en faisant la chaîne et en déployant les banderoles, les peintres qui ont gratifié la cour du rectorat d´un "PIONS EN LUTTE" de plusieurs mètres carrés. Un des RG a été particulièrement hargneux allant jusqu´à bousculer plusieurs grévistes, espérant sans doute créer un incident violent. Au bout de plus d´une heure, il ne restait plus que quelques centaines de personnes dispersées qui attendaient la sortie de la délégation. Nous avons donc pris à une vingtaine la décision de partir en entourant les peintres afin d´être surs que la police ne leur chercherait pas d´embrouilles. Du coup, d´autres ont suivi et c´est à environ une petite centaine que nous avons quitté le rectorat en scandant quelques slogans. Point positif, la rectrice s´est engagée devant tous les représentants de la délégation à instaurer un moratoire sur le prélèvement des jours de grève. Les jours de grève d´Octobre seront donc finalement prélevés sur le salaire de Janvier mais, par la suite, plus aucun jour de grève ne sera apparemment prélevé avant la fin du conflit. Un regret : il avait été décidé par l´AG de ne pas trop foutre le bordel au rectorat pour ne pas trop brusquer les profs. Du coup, on a certainement manqué une bonne occasion d´occuper en nombre le rectorat d´où la police semblait quasiment absente. Dommage ! Une rencontre a eu lieu ensuite, le même jour à 18H entre des membres de l´AG et des intermittents du spectacle et des chômeurs afin d´envisager des actions communes.
Jeudi 06 Février: Ce jour là, le Conseil Supérieur de la Fonction Publique d´Etat, une instance consultative réunissant administration et syndicats, doit rendre son avis sur le projet d´assistants d´éducation. Une manif nationale à Paris, à l´appel de la coordination et des syndicats, est prévue ce même jour. Cette manif ayant été annoncée tardivement, c´est dans une relative confusion qu´elle s´organise localement. L´AG n´a pas formellement pris la décision d´y participer. Le SNES académique met cependant à sa disposition un car. Difficile dans ces conditions de faire autrement que d´essayer de le remplir en envoyant courriers et coups de fil sur tous les bahuts de l´académie. Au final, seule une vingtaine de personnes de l´AG et du Collectif des aides-educs de la Manche feront le déplacement, dans un bus a moitie vide. Alors que les manifestants se rassemblent, on apprend que le CSFPE n´a pas pu entériner le projet gouvernemental : 19 voix de l´administration pour, 19 voix des syndicats contre, la balle au centre... La manif, elle, va réunir environ 2000 à 2500 personnes dans une ambiance dynamique. La banderole de la coordination nationale ouvre la marche, les syndicats sont en queue de cortège. L´objectif est le ministère de l´Education Nationale, mais a son approche, dans de petites rues, on finit par tomber nez a nez avec un dispositif assez conséquent de gendarmes mobiles, en rangs derrière des barrières. La tension monte quelque peu. Quelques barrières sont repoussées, une manifestante a la main éclatée par un coup de matraque. Les gendarmes sortent casques et boucliers. Les slogans anti-flics fusent mais personne n´est préparé pour l´affrontement. La manif finit donc par se disperser peu a peu, d´autant plus que les bus venus de province ne vont pas tarder a repartir. Une AG chaotique réunissant près de 300 personnes (délégués de collectifs, représentants syndicaux, curieux...) a lieu à la Sorbonne après la manif. Les collectifs représentés y échangent des infos sur l´état de la mobilisation au niveau national. Certains, corses en tête, poussent à une opération coup de poing (investir le plateau d´un journal télévisé) mais faute de préparation, d´accord entre les participants et vu l´heure tardive, elle n´aura pas lieu, au grand désespoir des corses qui repartent fort déçus. Pendant ce temps, dans le bus qui ramène les grévistes à Caen, se tient une AG improvisée où il est décidé de lancer une grève d´une semaine juste avant les vacances de Février, du 17 au 21. La semaine qui vient sera consacrée à un travail d´information : coups de fils et courriers dans les bahuts, envois de communiqués à l´ensemble des médias régionaux...
Dimanche 16 Février :
Piquet d´information sur la lutte au milieu du marché avec tracts, café et collecte...
Lundi 17 Février:
Le Collectif des aides-educs de la Manche, épaulé par quelques emplois-jeunes de Caen et quelques pions (soit environ 30 personnes en tout) est reçu par le conseil académique. Au programme : débat sur la disparition des aides-educs et sur les congés payés de ceux qui terminent leur contrat en Juin...le rectorat considère comme un fait acquis la fin progressive du dispositif emplois-jeunes. Quant aux congés payés, c´est l´arnaque. Les aides-educs qui terminent en Juin ont droit à 7 semaines. Le rectorat promet 4 semaines de congés avant fin juin. Reste 3 semaines. Une solution "bricolée" consisterait à faire terminer les aides-educs le 31 Mai pour qu´ils puissent profiter de leurs 3 dernières semaines de congés payés, mais le rectorat s´y refuse, arguant que cela perturberait trop le fonctionnement des établissements scolaires. De fait, les aides-educs se retrouvent avec 3 semaines de congés payés que le rectorat refuse d´honorer avant la fin du contrat...ou de payer après la fin du contrat. Bref, le rectorat se torche le cul avec le droit du travail...
Mardi 18 Février:
AG à la fac. Une petite centaine de personnes présentes. De sombres rumeurs circulent : les pions entrés en fonction cette année, et pas encore titularisés donc, seraient virés en Juin et se verraient alors proposer un statut d´assistant d´éducation... La perspective d´une action possible est assez vite abandonnée au profit d´un débat, assez tendu par moment, sur la situation actuelle de la lutte, l´attitude gouvernementale, le rapport de force, la radicalisation des actions... L´AG décide finalement d´occuper le rectorat le jeudi 20 et d´y attendre l´arrivée de la police. L´AG adopte également le fait qu´un groupe de grévistes volontaires résistera alors de manière non-violente à l´évacuation.
Mercredi 19 Février: Un concert de soutien à la lutte des pions et des aides-éducs est organisé, avec quelques groupes locaux dans un bar, à l´initiative de quelques membres du comité de lutte. Prés de 2000 flyers sont distribués dans les bars et en ville, 200 affiches collées un peu partout. Gros succès puisqu´environ 300 personnes affluent dans le bar qui termine bondé. Plus de 650 euros sont ainsi collectés. Jeudi 20 Février:Après l´AG réussie du mardi 18 Février (une centaine de personnes), un rendez-vous était fixé pour une nouvelle AG sur la fac le jeudi 20 Février à 14H. Cette AG, comme prévu, n´a pas eu lieu. 80 personnes se sont rassemblées au phénix. Comme prévu, un convoi de 8 véhicules s´est garé au moment judicieux à proximité et une quarantaine de personnes, entassées dans les bagnoles, sont parties rapidement vers l´objectif. Celui-ci avait été préalablement infiltré par quelques personnes qui furent prévenues du départ des voitures. Une première personne s´était auparavant assurée de l´absence de tout dispositif conséquent de police. Puis 4 autres personnes ont pénétré en ordre dispersé dans le bâtiment. 2 d´entre elles, repérées, en ont été virées par le personnel. 2 autres ont échappé à la vigilance. Les 8 bagnoles se sont garées derrière le rectorat. 40 grévistes en sont descendus. Ils se sont rapidement rassemblés. Capuches, bonnets, foulards, écharpes ont été mis et c´est masqués que les gens se sont élancés en courant à travers une vaste pelouse, ont sauté par dessus barrières et grillages avant de se précipiter vers une des portes d´entrée latérales du rectorat. Les 2 compères présents dans le bâtiment, prévenus de notre arrivée imminente par portable, ont ouvert la porte magnétique, l´ont bloqué avec du bluetac et ont résisté à la bousculade d´un RG (nom de code : Solange !!!) épaulé (mollement) par un membre du personnel d´entretien du rectorat (un autre ATOSS lui s´est carrément barré refusant d´endosser le rôle de flic que Solange voulait lui faire jouer). Nous sommes donc rentrés à l´arrache en poussant un peu avant qu´une tentative sérieuse ait pu être mise en place pour nous en empêcher. Nous avons donc réussi à pénétrer dans le "Bunker", "la Bastille", surnoms locaux donnés au rectorat depuis qu´ils le ferment systématiquement lorsque nous arrivons en manif (ils se souviennent des occupations de Novembre 1998 et de la tentative de séquestration de la rectrice de l´époque !!!). Le reste des gens rassemblés au phénix nous ont rejoints en cortège "express" et c´est donc une bonne centaine de personnes qui ont investi au final le rectorat. Le collectif d´aides-éducs de la Manche était là ainsi que des étudiants solidaires et quelques chômeurs et intermittents. Les médias locaux ont été contactés mais la présence simultanée de François Fillon, ministre du travail (attendu par des chômeurs et des intermittents), à Caen, a nuit à une bonne médiatisation de l´action. Par contre, les forces de police étant occupées ailleurs, on a pu rester au rectorat plus longtemps. La rectrice, invitée à partager les petits fours avec Fillon, était absente. Seul le triste sieur Pellizari, son directeur de cabinet, était présent. Après être montés au premier où se trouvent les bureaux de la rectrice et squattés là quelques temps, on a fini par partir en cortège très bruyant dans les couloirs de tout le rectorat. "Ni précaires, ni matons, vive la lutte des pions", "Intégration, titularisation des emplois-jeunes de l´éducation", "Du pognon pour l´éducation, pas pour la répression", "Aides-éducateurs licenciés, postes de surveillants supprimés, ça ne peut plus durer, ça va péter" furent nos slogans. Meubles entassés, photocopieuses débranchées furent laissées dans notre sillage. Des centaines de photocopies sauvages furent faites sur une photocopieuse ne nécessitant pas de code et bien des ramettes de papier se volatilisèrent dans la nature... Il semble même que quelques serrures stratégiques car hiérarchiques aient été bouchées avec une bombe de mousse expansée... Des tracts furent diffusés au personnel ainsi qu´une copie de la lettre de protestation que ce même personnel avait rédigé courant Janvier contre la présence à répétition de la police dans leurs locaux dés qu´une manif était annoncée. La très grande majorité du personnel a d´ailleurs manifesté sa solidarité avec notre lutte par des paroles encourageantes ou de simples sourires. Un petit concert de jazz manouche fut même improvisé par un guitariste et un violoniste grévistes qui firent danser une partie des occupant(e)s tandis que de drôles d´odeurs exotiques et enivrantes emplissaient l´air. Au bout d´un moment, nous décidâmes de demander à Pellizari de sortir de son bureau pour discuter avec nous tous du moratoire sur le prélèvement des jours de grève, la situation des collègues pions non stagiairisés et les congés des aides-éducs qui risquent de ne pouvoir être prises (auquel cas elles ne seraient d´ailleurs pas payées...). Pellizari, retranché dans son bureau au bout d´un couloir lui même fermé par une porte partiellement vitrée, ne nous gratifia que de quelques regards méprisants lancés du bout de son couloir-sanctuaire. Sanctuaire mon derche, vu qu´à force de tambouriner à la porte, un carreau a fini par tomber en miettes. L´occasion étant alors trop belle, le loquet intérieur de la porte du couloir fut tiré et les grévistes allèrent cherché un Pellizari nettement moins arrogant directement dans son bureau. Un débat animé eut alors lieu avec lui sur toutes les questions concrètes qui nous préoccupent au niveau académique. Il a confirmé l´absence de garantie sur la stagiairisation des pions entrés en fonction cette année et non encore stagiairisées. Le moratoire sur le prélèvement des jours de grève a été confirmé ainsi que le fait que des négociations auraient bien lieu en fin de conflit sur simple demande "des syndicats représentatifs". Pellizari se vit même quasi sommé de signer une déclaration de soutien à notre lutte. Là il ne fut pas loin de craquer tant un certain nombre de grévistes mirent en cause son absence d´humanité ensevelie sous le devoir de réserve. Rude journée pour lui... Un bémol cependant, contrairement à l´occupation de 98, le bar de la direction ne put être pillé. Un excès de précipitation a rendu les intentions trop transparentes et une secrétaire de choc récupéra in extremis une bouteille de porto et de martini rouge arrachées aux placards de l´Etat oppresseur et destinées à assouvir la soif des prolétaires à la gorge trop sèche d´avoir passer l´après-midi à gueuler... Nous nous vengeâmes finalement sur une poignée de bouteilles de cidre chaud récupérées dans la cafet des personnels. On fait avec ce qu´on a ... Un téléphone fut ensuite mis à contribution pour passer des coups de fils aux radios locales et à des collègues et amis pour faire savoir que l´occupation continuait et qu´il fallait venir la renforcer. Un appel à venir nous ravitailler fut donc diffusé sur une "onde rock" caennaise. Mais personne n´était dupe, l´heure passait et le départ de Fillon allait bientôt libérer des forces de police. Celle-ci arriva effectivement vers 19H20. La cinquantaine de grévistes encore présents se rassembla, enfila bonnets, foulards et sacs à dos, s´assit ou s´allongea de manière compact en faisant la chaîne comme cela avait majoritairement été décidé en AG souveraine. Une poignée de valeureux collègues se passèrent des antivols autour du cou et s´enchaînèrent entre eux puis aux barreaux métalliques de la rambarde des escaliers. Il ne fut donné aucune réponse à un commissaire de police qui tenta de nous impressionner. Quelques collègues, faisant usage de leur respectable liberté personnelle, choisirent de quitter le groupe ne se sentant pas en mesure d´assumer la confrontation. Les forces de police commencèrent alors leur intervention. Personnes traînées par terre, policiers marchant sur les gens, les tirant, leur donnant des coups de pieds, les écrasant de tout leur poids, les faisant tomber dans les escaliers, les frappant avec le bout de leur matraque dans les côtes... bref la police en action. Des femmes de ménages rassemblées à quelques distances crièrent bien fort leur colère face à la violence des hommes en bleu. Nos slogans ne cessèrent de ponctuer leur évacuation brutale. Une trentaine de policier de la BAC, de la brigade de maintien de l´ordre (une quinzaine de flics de la nationale volontaires en tenue anti-émeutes avec casques et boucliers) et de la police urbaine nous repoussèrent hors du bâtiment puis hors de l´enceinte du rectorat. Une fois dans la rue, nous bloquâmes la circulation et reprîmes de plus belle nos slogans avant de repartir groupés en cortège improvisé. Nous nous sommes dispersés progressivement à l´approche du centre ville. Il était environ 19H45. La police n´a procédé à aucune interpellation. Il ne semble pas y avoir eu de blessés sérieux. Vendredi 21 Février: Une dizaine de collègues se regroupent sur le marché pour diffuser des tracts, filer du café, discuter avec des passants, collecter un peu d´argent... Samedi 22 Février: Une réunion de coordination nationale a lieu à Rennes. Des délégués et des observateurs d´une dizaine de collectifs y participent. Dans certaines régions, le mouvement aligne près de 10 semaines de grève et s´essouffle, dans d´autres il démarre, ailleurs il se maintient... Il est décidé de proposer aux collectifs de mettre en place la grève reconductible du 10 au 19 Mars avec 3 dates phares : le 12 Mars, jour où le projet d´assistant d´éducation passe pour la première fois en commission d´étude à l´assemblée nationale, le 18, journée de grève intercategorielle de l´éducation nationale et, enfin, le 19, jour où le projet d´assistants d´education passe pour la seconde et dernière fois devant une commission de l´assemblée nationale avant de pouvoir être voté. La coordination nationale a appelé à faire du 19 une journée d´action interprofessionnelle contre la précarité aussi bien dans le public que dans le privé. Le 21, une manif nationale est prévue avec chômeurs, intermittents (dont la lutte commence à se structurer et à se développer) et les travailleurs des boites qui ferment (metaleurope, Airlib, Daewoo...). A l´heure ou cet article est écrit (début mars), on ne sait pas encore très exactement quand la loi sur la mise en place des assistants d´éducation va être votée, mais cela ne saurait beaucoup tarder : à partir du 19 Mars au plus tôt, au mois d´Avril au plus tard. La lutte des pions et aides-educateurs entamée le 24 Septembre de l´année passée entre donc dans sa phase finale. Radicaliser l´action, politiser la critique du gouvernement, converger avec d´autres catégories en lutte (intermittents, chômeurs, prolos licencies d´un peu partout...) pour tenter de généraliser l´agitation sociale : tels sont les défis (nombreux et difficiles) que les collectifs de lutte doivent relever s´ils veulent être à la hauteur de l´affrontement que leur impose l´Etat-patron.
LUTTE DES PIONS : (RE)SUITE
La rentrée s´avère délicate comme nous nous y attendions, et comme ce fut à chaque fois le cas... Si le comité de lutte est au rendez-vous, le SNES a en partie lâché la lutte. Mécontent de la tournure trop radicale à son goût des événements, mais également des sommes engagées pour soutenir le mouvement, le syndicat retire son soutien, tandis que l´adhérent qui nous soutenait activement préfère prendre du recul et animer un site internet... Pour notre part, nous avons toujours préféré la lutte directe à la lutte plus virtuelle, mais s´il ne se reconnaissait plus dans ce type d´action... Par ailleurs, second coup dur : le moratoire sur les jours de grève n´a pas pris effet. Une rumeur relayée par les syndicats renvoie la faute à la radicalité de l´action au rectorat - quelle réelle radicalité ? - et fustige les vilains anars boutonneux et post-adolescents là où les décisions ont été collectives et assumées comme telles. La réalité est tout autre : le moratoire n´a jamais pris effet. Nous aurions du exiger, comme nos représentants avaient tenté de le faire, un document écrit. Mais à l´époque les syndicats nous en avaient dissuadés... Le prélèvement des jours de grèves contribue à l´asphyxie du mouvement, mais également à la propagation d´un certain défaitisme. Devant nous le mépris de l´administration et surtout l´impression que ce que nous avions gagné, c´est-à-dire pas grand chose, nous a été rapidement repris. Troisième coup dur, nous apprenons par retour de bande, que certains militants colportent d´étranges rumeurs sur le comité de lutte et son prétendu mépris des règles démocratiques. On peut s´étonner que ces militants aient longtemps soutenu l´action de ce comité et de l´A.G. - puisque l´ensemble des décisions se sont prises en A.G. - et que tout à coup il condamne son action. Ce sont pourtant toujours les mêmes personnes qui l´animent - ce qui est d´ailleurs regrettable tant nous aurions désiré que l´activité tourne - la plupart non-syndiquées ou non-encartées... On peut s´interroger sur les motivations réelles de ces militants professionnels et s´inquiéter de la propension qu´ont ces militants à cracher sur les luttes autonomes lorsqu´elles échappent à leur contrôle. Il est d´ailleurs à signaler que partout les luttes ont joué la carte de l´autonomie vis-à-vis des syndicats et des organisations politiques tout en travaillant à leurs côtés et que partout des incidents ont été à déplorer entre comités de lutte et syndicats.
Mercredi 12 mars :
A.G. de rentrée. Une cinquantaine de personnes. Les actions pétantes prévues par le comité sont revues à la baisse. Nous décidons malgré tout après un vote quelque peu trouble et indécis quant à son interprétation - vu le nombre d´abstention - d´occuper la présidence de l´université, cible que nous n´avions jusque là jamais envisagée. Avec nous des étudiants. Les vice-présidents nous reçoivent. Ils nous assurent de présenter une motion de soutien aux pions lors du prochain Conseil d´administration de la fac. Méfiants nous demandons une trace écrite, sujet tabou chez tout bon bureaucrate : ils refusent. Malgré tout, devant notre faible mobilisation nous décidons de partir. Sur le chemin nous traçons quelques slogans...
Lundi 17 mars :
Le comité de mobilisation se rend au collège D. Huet d´Hérouville où des adhérents du syndicat nous ont prévenus de la descente de Paris d´inspecteurs venus faire un état des lieux du collège. Nous troublons la réunion pédagogique avec les professeurs et transmettons nos revendications. Le but : harceler les représentants du ministre et faire remonter la grogne... Les enseignants nous soutiennent et notamment une copine du syndicat. A l´intérieur, la réaction est positive. Les pions sont satisfaits et ont d´ailleurs été déjà entendus plus tôt dans la journée et les enseignants qui soutiennent depuis longtemps la lutte des pions dans cet établissement également. Il faut d´ailleurs souligner le travail effectué par le copain et la copine du syndicat à l´intérieur du bahut. Ils avaient convoqué des A.G. "syndicales" qui permettent de dégager des heures libres sur le thème du pionnicat. Plus tôt, nous avons repris le contact avec le comité de mobilisation étudiant qui travaille sur les nouvelles réformes universitaires. Tandis qu´ensuite nous rencontrons les intermittents par l´intermédiaire de leurs représentants. Si la convergence avec les chômeurs semble possible, les intermittents se défilent... Par ailleurs, nous apprenons que le vote du nouveau statut d´assistant d´éducation - statut précaire, non réservé aux étudiants - qui devait être effectué à partir du 19 est repoussé à la semaine suivante.
Mardi 18 mars :
Journée de mobilisation autour de l´éducation nationale. A 10 h nous nous retrouvons à l´A.G. convoquée par l´intersyndicale de l´éducation nationale. Notre mandat est double. Tout d´abord, prendre la tête de cortège et si possible devant la banderole unitaire de l´intersyndicale. Ensuite négocier notre participation à la délégation et notre reconnaissance comme interlocuteur légitime. L´A.G. prend du retard à cause d´une alerte incendie. Elle tourne même au pathétique lorsque les grévistes font la pause devant les caméras un peu comme une équipe de foot. A l´A.G. les nouvelles professions directement menacées par les nouvelles réformes et la précarisation de leurs statuts s´agitent, mais en demeurent à la pétition. Des collèges en grève font monter la grogne. Mais soudain nous apprenons que leurs revendications - des postes non-supprimés - viennent d´être exaucées : ils reprendront le travail... Snes-sup, FO et Sud pousse de la salle à la radicalisation et la généralisation du conflit. Les syndicats au bureau - SNES, FSU, CGT, etc. - font de la surenchère jusqu´à en appeler à la grève dans l´ensemble du secteur public. Mais rapidement la grogne se dégonfle, faute de contact entre les différents secteurs (tiens les syndicats CGT éducation n´ont pas de contacts avec les syndicats CGT rails, etc.). Finalement, notre mandaté prends la parole. Nous aurons la tête de manif mais derrière la banderole unitaire après un refus net des syndicats et non de l´A.G. qui ne décide de rien. Nous pourrons participer à la délégation. Finalement, l´intersyndicale laisse retomber la grogne et ne convoque aucune A.G. ultérieure. Ils gardent le contrôle des événements et préfèrent préparer la lutte sur les retraites et sont sans aucun doute déjà en train de préparer la future syndicalisation des assistants d´éducation. 14h, A.G. spécifique. Une centaine de personne. Nous décidons de rejoindre le cortège unitaire. Nous tenterons de forcer la tête pour passer devant la banderole de l´intersyndicale et de rentrer en force dans le rectorat lors de l´entrée de la délégation. 15h30, la manif rejoint la fac, les pions et les étudiants (comité de lutte des étudiants sur les réformes ECTS-3-5-8, FSE, UNEF). Nous tentons de nous imposer à l´intersyndicale qui ne nous le permet pas. Nous ne cherchons pas l´incident préférant privilégier la mobilisation. Nous défilons jusqu´au rectorat où la délégation doit être reçue. Les slogans fusent. Mais la manif demeure très traîne savates. Au rectorat, nous tentons d´entrer en force en même temps que la délégation. Les R.G. et... un représentant FSU s´interposent. Surpris et mal organisés nous loupons notre coup. Impossible d´allumer un feu ou de repeindre le sol, notre cache de matériel est repérée et les flics la bloquent. On ne grillera pas davantage notre complice. Conclusion : quelques silhouettes peintes au sol avec de la peinture rouge et du chambrage de RG. Tout le monde rentre chez son automobile. Un copain remercie Delepine - dit Roland Magdane du fait de sa moustache proéminente - de son intervention en soutien des RG. Il nous répond que la question n´a pas été votée démocratiquement, mais comme aucune des décisions de la journée confisquée par l´intersyndicale et ô combien silencieuse. Il ajoute que c´était là son boulot de responsable syndical, tout un programme... A la sortie de la délégation nous avons confirmation que le moratoire ne prends effet que pour mars.
Mercredi 19 mars :
A.G. prévue avec les intermittents et les chômeurs. Seul AC est présent. Une fois de plus les intermittents nous font faux bon. On se retrouve à une quarantaine de personne. L´échec de la veille et la tournure des événements a laissé des traces. Faut-il s´orienter vers une journée sur la précarité ? Le désir est présent, mais la réalité plus compliquée. AC veut faire appel aux différents syndicats et partis politiques. Si certains ne s´opposent pas aux syndicats, ils ne désirent pas pour autant transformer leur mode de lutte. Quel mode de mobilisation ? Une forme particulière de collectif réunissant le gratin de l´extrême gauche ? Des A.G ? Différentes conceptions s´opposent. L´A.G. s´enlise et se dissout faute de combattants et d´affirmation cohérente et collective d´une marche à suivre. Les contacts sont maintenus tout de même. On apprend que les intermittents ne souhaitent quant à eux pas se mobiliser avant le premier mai... En fin d´après-midi, la coordination prévue pour le 22 sur Lyon est annulée, faute de monde pour l´organiser... La mobilisation semble s´essouffler un peu partout. Dans le même temps nous apprenons qu´il n´y aura pas de montée sur Paris des différents collectifs pour la manif européenne sur les licenciements collectifs. Tous sont à bout de souffle. Nous ne monterons pas non plus, mais privilégierons la réunion du CA où notre motion sera présentée.
Vendredi 21 mars :
La motion est présentée au CA de la fac. Avec nous les étudiants mobilisés. Une cinquantaine de personnes. Deux adhérents de l´Unef gardent la porte pour éviter toute intrusion non souhaitée... La motion est présentée et adoptée par le CA au contraire d´une motion présentée par les étudiants condamnant la nouvelle réforme universitaire sur les ECTS (plus de concurrence entre les facs, entrée plus importante des entreprises sur la fac, durcissement de modalités d´obtention de diplôme, etc.)
A la suite de l´action, une AG s´organise rapidement entre étudiants et pions. Certains en appellent à une fusion des deux collectifs. Nous sommes nombreux à penser que le comité de lutte des pions et des aides éducateurs doit garder son autonomie. Tout d´abord, parce que la nature de la lutte n´est pas totalement identique : la disparition immédiate d´un statut et de conditions de survie pour des étudiants et d´autres part des réformes universitaires. Ensuite parce que d´un côté on avait des pions en lutte depuis 6 mois et cherchant à repousser un statut en voie d´être voté et de l´autre un mouvement étudiant cherchant à mobiliser. Enfin parce que nous ne comprenons pas la nécessité réelle de cette fusion, ou plutôt en saisissons les motifs moins avouables de certains qui portent la proposition (UNEF) : s´appuyer sur le mouvement des pions pour relancer leur propre mouvement. Nous décidons donc de maintenir les deux comités indépendants et de travailler le plus souvent possible en convergence. Une montée sur Paris est envisagée pour le mardi, premier jour de la discussion du projet à l´assemblée. A Caen, les étudiants et les syndicats s´engagent à mobiliser par des interventions dans les amphis pour la journée de mardi.
Mardi 25 mars :
A.G. à 14h. Autour de 80 personnes. Un débrayage d´amphis est prévu, avant que nous partions vers la mairie pour l´occuper et faire pression sur notre députée-maire Brigitte. Le débrayage aurait dû être effectué le lundi et le mardi matin, mais le boulot n´a pas été effectué. Du coup, nous sommes obligés de le faire à l´arrache, sans réelle organisation. Aucun résultat. Comment expliquer les nouvelles réformes en quelques mots ? Les pions insistent sur la nécessité de privilégié l´action vue l´urgence et l´actualité. Un groupe est parti en reconnaissance comme lors de la prise du rectorat. Nous partons en cortège en empruntant la route du rectorat pour faire diversion. On bifurque au dernier moment. Mais nous sommes attendus. Les grilles sont fermées. Derrière le bâtiment de nombreux CRS. Nous apprenons par Solange notre RG préféré (c´est son nom de code) qu´ils avaient prévu notre action. Cible trop évidente en ce jour décisif ? A-t-on été grillé ? Nous apprenons par ailleurs que nous étions attendus de manière identique au rectorat. Une délégation est reçue dans l´improvisation par Deleuze un adjoint. Il nous communiquera la réponse de Brigitte le lendemain. Toujours aucun dialogue. Le mépris. Très France d´en bas. Pendant ce temps on bloque le carrefour. Très vite, nous nous rendons compte que l´action n´a aucun impact et nous décidons de bloquer le tram en plein centre ville en pleine heure de pointe. Ce qui était prévu par l´AG comme action de substitution. Le but : ne pas crever sans laisser de traces. Malgré la réticence de certains nous bloquons. Nous ne sommes plus qu´une cinquantaine. Après une demi-heure et un embouteillage monstre, les flics débarquent. Ils nous menacent et nous dégagent. Nous repartons.
Mercredi 26 mars :
Nouvelle AG qui doit établir des ponts entre les pions, les chômeurs et les intermittents. Seul un "représentant" des chômeurs sera présent, pas d´intermittent. L´A.G. tourne en rond. Un jeune UDF, pion, est là et se déclare opposé au nouveau statut. Ca nous fait une belle jambe. 14 h au phénix nous ne sommes qu´une dizaine. Les étudiants ont préféré se rencontrer de leur côté pour mettre en place un véritable comité de lutte. Le mouvement des pions leur servait bien de tremplin... Nous décidons tout de même de faire une action symbolique : on ira chercher la réponse de la veille, mais de manière singulière. En effet face au mépris des élus nous voulons leur répondre par un mépris identique. D´un côté des dessins de moutons : "puisqu´on nous prend pour des moutons..." et de l´autre des dessins de lapin : "on vous pose un lapin", avec en exergue la déclaration de Ferry sur les pions : "Mieux vaut des bons à tout faire(le nouveau statut d´assistant d´éducation) que des bons à rien (les pions)". Sur la route des motards nous accompagnent. A la mairie la grille est fermée. De nombreux flic à l´intérieur. Les RG à l´extérieur. A 10 nous bloquons donc tout de même la mairie de Caen. Nous disposons nos affiches. Un responsable sort et nous demande si nous voulons être reçus. Nous lui répondons simplement non... Le soir un concert est organisé sur Hérouville. Bon moment festif, mais malheureusement légèrement déficitaire.
Jeudi 27 mars :
Nous apprenons que le statut a été voté la veille à l´assemblée nationale. 30 personnes en AG dont un collègue de Paris. Là bas, la lutte s´essouffle également. Devant le manque d´influence nous décidons de rebaptiser les amphis et de faire une action symbolique sur le tram en bas de la fac. Quelques amphis sont rebaptisés après une courte allocution : amphi Lagardère, guerre à ton âme ; amphi via l´ANPE, amphi interdit aux pauvres ; etc. En fin d´après-midi nous nous allongeons sur les voies de tram. Dessinons nos silhouettes de cadavres à la craie sur le sol et quelques slogans sur les trottoirs et le campus. En soirée, nous affinons nos contacts avec notre ami parisien.
Mardi 1 avril :
Manif sur les retraites. Nous devons nous retrouver avec les chômeurs et les intermittents pour faire un cortège précaire. Pas d´intermittents. Malgré tout un tract commun. Nous sommes une vingtaine. On improvise une précaire-pride : "si toi aussi, tu aimes le cassoulet 3 nappes, leader-price, bienvenu dans la précaire-pride", "si toi aussi tu aimes la mobilité, la flexibilité, bienvenu dans la précaire-pride" ; "si toi aussi tu aimes prendre des coups en fermant ta gueule, bienvenu dans la précaire-pride" ; "si toi aussi, tu te tapes ton assistante sociale..." ; "si toi aussi tu aimes la CAF..." ; "si tu as un ami qui s´appelle RéMI...". Le reste de la manif est traîne savate. Plusieurs milliers de personnes. La police et les douanes qui défilent. Un bonheur...
Jeudi 3 avril :
Nous sommes quelques-uns à rejoindre l´AG convoquée par les étudiants. Explication des réformes. Les syndicats nous proposent une action : occupation de l´Aula Magna, une salle d´examen où une remise de prix devrait avoir lieu en compagnie de la rectrice. Quelques messages à la craie sont tracés au sol. Des chaises sorties. A l´intérieur, aucune réception... Elle aurait été déplacée... Une AG s´improvise alors avec les 200 personnes présentes. Les pions sont jugés trop radicaux, irresponsables et anarchistes par certains leaders étudiants qui tentent de nous faire passer pour des gens violents et irresponsables : d´indécrottables gueules de voyou. Nos propos sont pourtant très posés. Nous demandons pourquoi cette cible, tandis que nous sommes à 2 pas de la Présidence ? Si nous resterons toute la nuit ? Que ferons-nous si la police se pointe ? Que ferons-nous le lendemain ? Pouvons-nous aller troubler cette cérémonie, semble-t-il déplacée au lendemain ? La plupart des questions ne sont pas traitée dans la grande confusion qui règne... La nuit se passe dans la festivité. Des pions organisent un grand barbecue sur les pelouses. Au petit matin plus que quelques personnes qui désertent le camp... L´action a eu le mérite de rétablir de la proximité entre les étudiants en lutte, de casser la routine universitaire, mais également souligne le défaut de son manque de pertinence politique.
Mardi 8 avril :
Une vingtaine de personnes en AG. Les étudiants nous appellent à une action en commun avec les personnels de l´éducation nationale du Havre et de Rouen sur le pont de Tancarville. Nous arrivons à la bourre. 700 personnes ont déjà effectué une chaîne humaine le long du pont pour la télé. Aucun blocage. Nous arrivons à l´heure du barbecue. Un peu énervés par la tournure de l´action, nous tentons de laisser passer les véhicules gratuitement. Mais un syndicaliste "responsable" de l´action s´interpose, brandissant la menace fantôme d´une amende et condamnant notre manque de démocratie, là où tout semblait avoir été négocié entre l´intersyndicale et les flics. C´est ça la démocratie ! Devant l´apathie nous renonçons. Au passage à remarquer un RG avec un badge No pasaran "Police partout, justice nulle part !". A Caen nous apprenons que des coups de fil ont été passé pour demander qui étaient ces troubles fête venus de Basse-Normandie... Bilan : 10 secondes aux infos et aucune nuisance réelle. Ce n'est pas grave, nous devons attendre le mouvement de masse... Sans doute pour le 15 août !
Mercredi 9 avril :
AG étudiante. 150 à 200 personnes. Elle s´éternise. De toute évidence, l´action n´est pas véritablement à l´ordre du jour. Les syndicats évacuent systématiquement le problème lorsqu´il est posé depuis la salle. L´AG se vide. Les plus déterminés arrivent à imposer un vote au bout de 2h30 d´AG. Nous ne sommes plus qu´une vingtaine à vouloir envahir la Présidence. Il faut dire que nous ne sommes plus que 70 à 80 et que beaucoup de monde, lassé, a déjà fuit. L´action est remise au lendemain. Une journée banalisée d´information est prévue pour après les vacances. Elle sera quémandée à la présidente. Après plusieurs mois d´information et parfois mais surtout épisodiquement de lutte, c´est toujours d´information dont il est question...
Jeudi 10 avril :
Nous sommes 20 au matin à nous retrouver. Pas d´action, juste de l´info... Mais nous avons un tout beau local offert par l´UNEF, le local des vice-présidents étudiants... Quelle victoire.
En guise de conclusion :
Comme dans beaucoup d´académies, mais peut-être moins qu´ailleurs, le mouvement des pions s´essouffle. L´usure des pions en lutte se fait sentir au bout de six mois. L´information passe mal dans les bahuts et les menaces fusent. L´annulation du moratoire et le manque de victoire réelle encourage le défaitisme. D´autre part, le mouvement paye cher son autonomie. Les syndicats sont ouvertement hostiles et nous tirent systématiquement dans les pattes. Mais dans le même temps, cette autonomie a également contribué au vitalisme du mouvement et à l´implication importante de "non-professionnels" de la politique ou du syndicalisme... D´autre part, le comité de lutte pris souvent par l´urgence, la frénésie et la ferveur de la lutte, mais également par le nombre relativement restreint de militants qui l´anime, a parfois des difficultés à prendre du recul sur ses propres pratiques. Cependant, il a le mérite de son authenticité, de son attachement à son autonomie, mais également de sa volonté de participer à la convergence des luttes. Mais sur ce terrain, le volontarisme affiché a parfois ses limites. Le corporatisme et l´immobilisme des intermittents. Le poids des centrales syndicales attendant le mouvement de masse et privilégiant leurs intérêts spécifiques contre celui des mouvements autonomes, cherchant à conserver le contrôle des luttes et à demeurer les seuls interlocuteurs responsables face aux autorités. Face aux attaques continuelles et antisociales du gouvernement, les syndicats semblent demeurer prisonniers de la mystique du mouvement de masse et emprisonné par le défaitisme. Partout la grogne monte mais dispersée. Des bahuts se mettent en grève, puis face à leur isolement reprennent le travail. Des facs s´agitent mais demeurent isolée. La généralisation du conflit semble donc freinée, parcellisée, et en l´occurrence les syndicats participent, tout comme la relative apathie ambiante, à la facilité avec laquelle le gouvernement impose ses réformes.
PIONS ET AIDES-EDUCATEURS: QUEL STATUT ?
Le terme de "pions" indique bien la place qu’ils occupent dans la hiérarchie de l’Education Nationale: en bas.
Les pions-pionnes sont des MI/SE en langage administratif. MI=Maître d’internat, SE=Surveillant(e) d’Externat. Les MI font les nuits en internat, surtout en lycées, lorsqu’ils sont à mi-temps mais ils peuvent aussi bosser le jour lorsqu’ils sont à temps complet (service mixté, nuit et jour). Les SE bossent de jour dans les collèges.
Les MI à mi-temps ont un horaire hebdomadaire de 17 heures Les temps complet font 34 heures et les temps complets en service mixté font 31 heures. Les SE à mi-temps font 14 heures hebdo et les temps complets font 28 heures. La grande majorité des MI/SE sont à mi-temps.
La paye des MI/SE à mi-temps est d’environ 470 E par mois (net). Les temps complets (mixtés ou non) touchent environ 940 E.
Les MI/SE sont tous et toutes inscrit(e)s à la fac. Ce sont des étudiants-salariés, recruté(e)s essentiellement sur critères sociaux, bénéficiant d’horaires adaptés à la poursuite de leurs études.
Les MI doivent fournir un diplôme un DEUG en 3 ans, une licence en 5 ans. Une fois arrivé(e)s en maîtrise, ils n’ont plus d’obligation de résultats. La période de fonction maximale est de 7 ans sans limite d’âge. Les SE n’ont aucune obligation de résultats (travail de jour qui nuit au suivi des cours). La période maximale de fonction est aussi de 7 ans avec une limite d’âge fixée à 29 ans.
Les MI/SE s’occupent de surveillance, font du travail administratif, de l’aide scolaire, de l’animation de clubs. Leur contact fréquent avec les élèves ainsi que leur relative proximité sur le plan de l’âge et de certaines références culturelles leur confère aussi un rôle éducatif.
Les aides-éducateurs sont les emplois-jeunes de l’Education Nationale. Ils sont recruté(e)s directement par le chef d’établissement. Leur contrat est de droit privé. Ils travaillent 35/hebdo et ne bénéficient pas nécessairement de toutes les vacances scolaires. Ils sont payés au SMIC et leur contrat (renouvelable tacitement tous les ans) peut atteindre 5 ans au maximum. Les AE s’occupent de tâches très diverses: maintenance informatique, animations diverses, gestion des cafétérias, accompagnement des sorties, aide à la bibliothèque… Ils ne sont théoriquement pas censés remplir les tâches de surveillance ou administratives. Ils ont aussi un rôle éducatif pour les mêmes raisons que les MI/SE.
Dans le monde très hiérarchisé et cloisonné de l’Education Nationale, les AE sont aussi en bas de l’échelle.
Encore en dessous, on trouve les nombreux Contrats Emplois-Solidarité (20 Heures/hebdo pour un demi SMIC) qui font du ménage, de la petite maintenance technique ou du secrétariat.
Les mesures du gouvernement:
Dans un premier temps, le ministère s’est contenté d’annoncer les suppression de postes de MI/SE et d’AE et la création du nouveau statut "d’assistant d’éducation".
Dans un 2ème temps, via la circulaire Boissinot du 27 Septembre 2002, le gouvernement s’est livré à une critique des dispositifs MI/SE et AE. Le dispositif MI/SE est présenté censé être rigide, essoufflé en terme de recrutement, contre-productif en terme d’aide à la poursuite d’études et inadapté par rapport aux besoins des établissements. Le dispositif des AE est présenté comme étant temporaire, peu performant et, là aussi, inadapté par rapport aux besoins des bahuts. L’arrêt du recrutement des MI/SE est annoncé. Les futurs assistants d’éducation ne seront pas uniquement des étudiant(e)s mais aussi des jeunes bacheliers au chômage, des mères au foyer et des jeunes retraités (de l’armée?). Polyvalence, souplesse et flexibilité seront les maître-mots du nouveau statut. Ce statut serait également régionalisé, les collectivités territoriales et locales étant appelées à y participer.
Dans un 3ème temps, le gouvernement, avec le communiqué de presse du 27 Novembre, précise encore plus le nouveau statut "d’assistant d’éducation". Ils seront recrutés directement par les directeurs d’établissements et la référence aux critères sociaux de recrutement disparaît. Leur statut fusionnera les diverses fonctions des MI/SE et des AE. Les temps complets seront l’exception et les étudiant(e)s n’y auront pas accès. Leur temps de travail se répartira sur 39 semaines annuelles (soit 4 à 5 semaines de plus que les MI/SE) et devrait dépasser les 20 heures/hebdo contre 14 à 17 heures pour les MI/SE. Les temps complets auront un temps de travail annualisé de 1600 heures avec un service s’étendant vraisemblablement sur plus de 40 semaines. Le salaire devrait être le SMIC. Leur formation s’effectuera pendant le temps de service ou bien, plus vraisemblablement, pendant les vacances scolaires. Le contrat de travail devrait être de 3 ans, renouvelable (sans garantie ni possibilités de mutation vu le recrutement sur la base de l’établissement) une fois pour les mi-temps. Certains travailleraient pour l’Etat, d’autres pour les collectivités territoriales (régions, départements…), encouragées à participer au dispositif.
Nouveau communiqué de presse du ministère le 16/01 pour annoncer que le recrutement des futurs "assistants-d’éducation" est portés à 16000. On parle d’une rémunération basée sur le SMIC avec un horaire de 17H30 pour les mi-temps.
Il s’agit donc d’une nouvelle catégorie de main d’œuvre sans garanties statutaires, flexible, travaillant plus pour moins cher par rapport au MI/SE. Les logiques de compression budgétaires, liées aux politiques européennes de réduction des déficits publics des Etats membres, ne sont vraisemblablement pas absentes des préoccupations gouvernementales.
Les conditions de la lutte:
Les MI/SE et les Aides-éducateurs sont dispersés dans 21 académies. Celle de Basse-Normandie comprend 3 départements. Les MI/SE (un peu moins de 1500 dans l’académie) sont présents dans plus de 220 collèges et lycées. Les collectifs de travail sont numériquement peu importants (de 2-3 personnes à une vingtaine) et les gens qui travaillent en début de semaine n’ont souvent aucun contact avec ceux qui travaillent en fin de semaine. La situation des AE est encore pire puisqu’ils sont également présents dans des centaines d’écoles primaires. Par contre, en général, tous les AE d’un établissement se connaissent.
Les réseaux syndicaux sont par ailleurs quasiment inexistants. La circulation de l’information est un vrai casse-tête. Mise en place de réseaux téléphoniques, de mailists sur internet, création d’un site, communiqués aux journaux régionaux, tournée des lycées caennais pour diffuser des tracts, envois de courriers et coups de fil dans les bahuts, bouche à oreille tentent de remédier, au moins partiellement, à ce problème et ce au prix de pas mal de temps et d’énergie. Les actions se déroulent à Caen, capitale régionale où se trouve la fac et le rectorat. De nombreux collègues ne peuvent cependant pas s’y déplacer, habitant au fin fond de l’académie, suivant des cours par correspondance ou ne passant que certains jours à Caen pour y suivre des cours (concentrés sur 1 ou 2 journées). Vacances et périodes d’examens jouent aussi parfois en défaveur de la mobilisation des pions
Les bas salaires des mi-temps (qui sont la grande majorité des pions) font aussi qu’ils sont assez rapidement asphyxiés financièrement.
C’est dans ces conditions difficiles qu’il faut tenter d’organiser la résistance face à un gouvernement bien assis politiquement et déterminé à appliquer tambour battant et sans faiblesse, son programme de réformes.
1 Agence de Presse A-Infos Information d'intérêt pour et au sujet des anarchistes. Pour plus d'info -> http://www.ainfos.ca
2 Syndicat Intercorporatif Anarchosyndicaliste de Caen, BP 257 14013 Caen Cedex.